« Capitale romane », aux yeux de nombreux auteurs, en raison de son spécial attachement à la latinité, de ses clercs, comtes et troubadours vus comme créateurs d’une civilisation raffinée puisant autant aux meilleures sources de l’Occident qu’ à celles de de l’Orient, la Toulouse des XIe, XIIe et XIIIe siècles se serait bâtie et parée avec cette identité. Le temps s’est cependant écoulé depuis cette époque. La ville s’est transformée, jusqu’à devenir aujourd’hui une mégalopole assez tentaculaire où l’on a peine à saisir cette belle et séduisante image. Fort heureusement, la basilique Saint-Sernin, vantée plus grande église romane d’Europe  depuis la presque totale disparition de l’abbatiale de Cluny, marque encore le coeur de la cité, avec un décor sculpté exceptionnellement abondant et réussi. Mais elle a perdu au XIXe siècle ses bâtiments canoniaux et abbatiaux, notamment l’un des plus grands cloîtres romans de tous ceux qui furent ou sont encore. Connurent le même triste sort la cathédrale de la ville et la prestigieuse église mariale de la Daurade, dont les cloîtres furent aussi de grands lieux de création de la sculpture romane. D’autres édifices, religieux, civils, domestiques complétaient le beau tableau: Saint-Pierre-des-Cuisines, Saint-Jean-de-Jérusalem et certainement bien d’autres pour ce qui est des églises, souvent renouvelées du XIIIe au XIXe siècle; le fameux château narbonnais; les nombreuses maisons nobles, souvent de véritables palais, au-dessus desquels se dressaient de puissantes tours de brique, comme le montre encore ce qui reste de celui des Maurand.
Tant la restauration et la présentation de ces monuments, lorsqu’ils existent encore, que le traitement muséologique/muséographique, voire liturgique, des oeuvres, pour la plupart des sculptures, déplacées pour diverses raisons, nous apprennent à comprendre les démarches de restitution et d’évocation de cette « capitale romane ». Cela se fit et se fait toujours, dans le cadre de Saint-Sernin comme dans celui de divers musées et lieux d’exposition, dont le plus important est le musée des Augustins, musée des beaux-arts de la ville. Dans certains cas on considérera le succès de l’opération, dans d’autres on se demandera si l’action n’est pas allée en fait à contre-courant du but recherché, en nous privant de la vision la plus objective, suggestive et sensible possible de ce qui est encore sous nos yeux. Souvent, ce jugement sera discutable et discuté, selon ce que chacun attendit ou attend encore de ces oeuvres d’art romanes, qu’il s’agisse d’un message historique, religieux ou d’une impression esthétique.
Au cours de cet exposé, des études de cas tenteront de montrer comment Toulouse s’est vécue créatrice d’art roman, comment elle a voulu le faire savoir à ses habitants et visiteurs. Cette réflexion n’éludera pas la question de l’avenir de l’art roman à Toulouse, actuellement posée par le réaménagement des abords de Saint-Sernin.

Daniel Cazes, conservateur honoraire du musée Saint-Raymond, Toulouse

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