Emmanuel Garland, Docteur en Histoire de l’Art
En tant que « reflet d’une société (…), moyen d’expression d’une culture et, en même temps, d’un latent et d’un inconscient collectif » (Michel Meslin), le merveilleux, omniprésent dans le décor des églises romanes de l’aire pyrénéenne, est un puissant révélateur qui met en évidence certaines spécificités de ces régions montagneuses où les échanges sont partiellement marqués par les contraintes géographiques et topographiques. Il interroge le rapport de l’homme avec le Créateur, sur le pouvoir attribué à celui-ci, sur les peurs et les espoirs des hommes, sur sa vision de l’Histoire du Salut, ainsi que sur les moyens de l’influencer. Sans prétendre à une quelconque originalité (ses transcriptions visuelles sont partagées avec l’ensemble du monde roman), certains choix, certaines occurrences, voire l’absence dans telle ou telle vallée de certaines représentations, reflètent ou sont conditionnés par la fragmentation de l’espace, la circulation des idées, les conditions de vie ou les croyances locales. La circulation des artistes, de plus en plus manifeste au fil des décennies, tend à homogénéiser l’expression du merveilleux, aussi bien en ce qui concerne la forme que le support et son emplacement dans l’édifice. Le merveilleux devient alors un marqueur dans et autour de l’église. Cela étant l’individualisation spatiale engendrée par les contraintes topographiques résiste et, en ce sens, la notion de géographie du merveilleux prend tout son sens.