Cinquante années de Journées romanes et la publication des conférences qui y ont été prononcées dans Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, ont été — et continuent d’être — une référence en ce qui concerne les apports de la recherche et les renouvellements de méthode pour l’étude de l’art roman, en bonne partie en relation avec l’art roman des territoires catalans. Au début, ces territoires en étaient même le centre d’intérêt privilégié, mais, avec le temps, d’autres régions ont été abordées, comme l’analyse plus transversale de thèmes particuliers. Ma contribution voudrait faire un état de la question sur les connaissances à propos de l’art roman catalan durant ces derniers cinquante ans. Durant cette période une référence essentielle a été la publication des vingt-quatre volumes de la Catalunya Romànica. Malgré les imprécisions inévitables dans une œuvre collective de cette ampleur, cette publication a été essentielle pour promouvoir de nouveaux regards et de nouvelles études d’ensemble ou de détail.
Il faudra examiner quelques uns des grands topiques qui ont été régulièrement abordés par les chercheurs : l’itinérance des constructeurs ou artisans en ce qui concerne l’architecture (les « maîtres lombards »), la sculpture en pierre (le « Maître de Cabestany ») ou la peinture (les « maîtres » de Pedret, de Taüll…). Les premières organisations d’un décor sculpté sur les façades (Saint-Genis, Saint-André, Arles-sur-Tech), l’étude des carrières et des ateliers de sculpteurs du Roussillon, ainsi que la question du développement de la sculpture liée à l’architecture sur l’enemble du territoire catalan ont été un objet d’attention préférentiel, même s’ils sont toujours d’actualité pour la recherche. Un chapitre important concerne les nouveaux apports à propos des portails sculptés (Sant Pere de Rodes) et des cloîtres (Elne, Sant Cugat, Girona, Tarragona…). La décoration peinte des bâtiments anciens tout au long du XIIe siècle et, en particulier, les problèmes de chronologie, la circulation des modèles iconographiques dans le milieu pyrénéen ont été également révisés ces dernières années.
Nous soulignerons, s’agissant d’un domaine d’étude qui a fourni d’excellents résultats dans les dernières décennies, grâce à de nouvelles méthodes et de nouvelles approches, l’analyse fonctionnelle de l’architecture. On est passé en effet d’une typologie sommaire et simplificatrice à la considération de l’édifice ecclésial et des espaces qui s’y rapportent, comme un tout, comme un espace contenant celui des autres arts, selon ses fonctions et ses usages. On a posé et résolu, en partie, des problèmes comme ceux de la circulation et de la relation entre différentes zones ou édifices, les pratiques liturgiques et l’usage des espaces selon le calendrier, la topographie sacrée, en prenant toujours en compte les fonctions spécifiques des églises, paroissiales, cathédrales, collégiales ou monastiques.
Le mobilier liturgique et les images, enfin et en particulier à l’occasion de restaurations ou d’analyses qui ont utilisé les méthodes scientifiques les plus actuelles, permettent d’ouvrir aussi de nouvelles hypothèses et de nouveaux questionnements en ce qui concerne les ateliers ou la « diffusion » locale de ces éléments, essentiels pour comprendre le fonctionnement de l’édifice ecclésial et son évolution ou actualisation, puisqu’il s’agit souvent d’éléments apportés à la fin du XIIe siècle ou même au XIIIe.
Milagros Guardia, Université de Barcelone (Catalogne, Espagne)