Christian Gensbeitel (Université Bordeaux-Montaigne) L’église du prieuré clunisien Saint-Eutrope de Saintes, entre culte des reliques et vie monastique
Le prieuré Saint-Eutrope de Saintes, refondé en 1081, devint, avec sa communauté d’une vingtaine de moines, un des principaux établissements de dépendance directe au sein du réseau clunisien en Aquitaine. Cet ancien lieu de culte déjà attesté au VIe siècle et dédié à la mémoire de l’évangélisateur de la Saintonge, était tombé entre des mains laïques et sa donation solennelle à l’ordre de Cluny par le comte-duc Guillaume VIII constitue un des épisodes marquants des débuts de la réforme grégorienne dans la région à la suite des premiers conciles réunis par le légat pontifical Amat d’Oloron. La consécration d’un nouveau sanctuaire en 1096 par le pape Urbain II témoigne aussi de la réactivation du culte de la relique du saint au moment de l’essor des grands pèlerinages Comme à Saint-Martial de Limoges, c’est donc une communauté clunisienne, et non pas canoniale, qui fut amenée à mettre en valeur une relique dont le prestige est perceptible au XIIe dans le long texte hagiographique que lui consacra le rédacteur du Liber sancti jacobi. Malgré les transformations gothiques intervenues à la fin du Moyen Âge et la disparition de sa nef, démolie en 1803, le chevet de l’église prieurale de Saintes est digne de ceux des grandes abbayes de la région. Ses cinq travées droites précédant une abside et enveloppées d’un déambulatoire ouvert sur trois chapelles rayonnantes mesurent plus de vingt mètres de long, sans compter le transept, encore conservé dans son emprise primitive. Ce chevet repose sur une crypte monumentale dotée du même plan, qui témoigne encore aujourd’hui d’un chantier hors du commun, dont le décor sculpté et le raffinement architectural contribuèrent largement à l’éclosion romane du XIIe dans le diocèse, sans pour autant être jamais égalé. Une étude préalable à des travaux de restauration nous donne aujourd’hui l’occasion de rouvrir le dossier de ce monument complexe dans le cadre d’un programme collectif de recherche. Cette communication constitue un premier état des lieux dans la phase d’amorce de ce programme. Elle portera à la fois sur la place de l’édifice roman et de son décor dans le paysage architectural des environs de 1100 et sur une réflexion particulière autour de la question de l’organisation spatiale et de l’adaptation du projet architectural à la double fonction d’église monastique bénédictine et de sanctuaire de pèlerinage.