sommaire


Éliane VERGNOLLE
L’art roman, épigone ou renaissance de l’art romain

Le terme « roman », inventé au début du XIXe siècle par un érudit normand, induit une problématique comparable à celle de la linguistique : comme les langues « romanes », dérivées du latin, l’art roman serait le prolongement de l’art romain. Au-delà du débat nominaliste, la question conserve toute son actualité. Il ne conviendra pas dans cette conférence d’introduction de dresser un catalogue de similitudes – cela a déjà été fait dans divers cadres et plusieurs communications porteront sur des études de cas. Il s’agit plutôt de réfléchir aux relations complexes qu’entretinrent les hommes des XIe et XIIe siècles avec le passé, à la lumière des oeuvres mais aussi des textes, qui témoignent de la diversité d’un intérêt qui fut d’ordre politique autant que d’ordre culturel ou spirituel. Avec le recul, on peut considérer ces deux siècles comme une suite interrompue de revivals de l’art antique, qu’il s’agisse de celui de l’Antiquité classique ou de celui des premiers temps chrétiens. Dans le domaine architectural, l’émergence du gothique devait marquer une rupture, à une date » qui varie selon les régions, mais dans celui des arts figurés, notamment de la sculpture, l’art romain devait rester une source d’inspiration majeure jusqu’au milieu du XIIIe siècle, dans l’Italie de Frédéric II aussi bien qu’à la cour de Saint Louis. C’est cependant la phase de définition de l’art roman qui doit le plus requérir l’attention, avec une question essentielle : observer l’art antique pour faire revivre un passé idéalisé, ou pour créer un nouveau style ? La réponse est délicate, non seulement parce que la notion de copie n’avait pas alors le même sens que de nos jours, mais parce que ces deux finalités ne sont pas exclusives d’une de l’autre. Plus encore, tout au long de son histoire, l’art roman devait se nourrir de cette ambivalence.


Serena ROMANO
Rome et l’Antique : XIe‑XIIe siècles. Remarques, souvenirs, considérations éparses

RÉSUMÉ
Les présences antiques accompagnent la vie de la ville de Rome pendant tout le Moyen Âge, bien plus nombreuses – c’est une supposition légitime – par rapport à ce qui existe encore aujourd’hui. La perception de l’Antique dans la Rome romane est marquée par la grande familiarité produite par le contact quotidien avec les monuments et les restes antiques, comme le cas des ateliers des Cosmates le démontrent ; mais aussi par le déguisement profond que ces mêmes monuments subissent dans l’imagination médiévale, à partir des textes très connus dans lesquels les monuments antiques sont inclus dans les trajets cérémoniaux de la vie dévotionnelle citadine. De temps en temps les sources nous permettent d’espionner quelque présence et de soupçonner l’existence de témoignages aujourd’hui perdus ; ce sont les mêmes oeuvres d’art médiévales qui laissent entrevoir la connaissance de l’Antique de la part des artistes, et les modes d’une « réception » qui se soustrait à toute prévisibilité. Les quelques exemples qui sont présentés essaient de fixer des points‑clés de la « visualité de l’Antique » dans la ville médiévale.


Xavier BARRAL i ALTET
Observations sur l’organisation narrative de la broderie de Bayeux et ses rapports avec l’Antiquité

RÉSUMÉ
La broderie de Bayeux est une grande toile de lin brodée, conservée sur plus de soixante‑dix mètres de long et sur une cinquantaine de centimètres de large, qui raconte l’histoire de la conquête d’Angleterre. Dans cet article on suggère des sources artistiques classiques pour cette oeuvre à travers des comparaisons avec les colonnes historiées de Trajan, de Marc Aurèle et l’arc de Constantin, entre autres. Le système narratif utilisé à Bayeux s’éloigne des schémas nordiques et se réfère aux systèmes de représentation de la culture classique.


Andreas HARTMANN‑VIRNICH
L’image de l’art monumental antique dans l’architecture romane provençale : nouvelles réflexions sur un ancien débat

RÉSUMÉ
Depuis le début du XIXe siècle, les reflets de l’art monumental antique dans l’architecture du second âge roman provençal ont été considérés et étudiés avant tout comme témoignage par excellence d’une sensibilité médiévale pour les formes de l’architecture et de la sculpture antique. L’intérêt général pour l’approche formelle, héritière, entre autres, des traditions de l’archéologie classique et d’une histoire de l’art à la recherche des origines et des précurseurs de la Renaissance, a longtemps occulté la question du sens de l’inspiration antique, et celle de la place du cas provençal dans un courant plus général. En amont des créations spectaculaires de l’art roman tardif, l’imitation de l’architecture paléochrétienne annonce, dès le milieu du XIe siècle, un retour délibéré aux sources, dans l’esprit de l’époque de la réforme dite grégorienne. La restauration, la reconstitution et la création voire fabrication de témoignages tangibles de l’époque des origines chrétiennes, historiques et légendaires, véritables « chartes de pierre » inscrites dans le paysage, vont de pair avec les efforts des églises locales de reconstruire les fondements de leur légitimité, souvent par la revendication d’un enracinement dans les temps apostoliques. Au XIIe siècle, l’intérêt pour le vocabulaire architectural et décoratif des monuments publics du Haut-Empire, vestiges de cette époque héroïque convoités autant pour le cadre monumental utile et prestigieux que comme ressource de matériaux de choix, semble s’inscrire dans la continuité de cette recherche, suggérée d’autre part par l’imitation des sarcophages paléochrétiens et par la transposition dans un nouveau style antiquisant, nourri par l’observation concrète des modèles et l’adaptation libre des motifs empruntés, des allusions monumentales au temps des saints fondateurs, titulaires des édifices religieux les plus significatifs.


Victor LASSALLE
Les compositions décoratives en opus reticulatum d’un aqueduc romain de Lyon et leurs imitations dans l’architecture romane des régions rhodaniennes. Une nouvelle approche

RÉSUMÉ
L’opus reticulatum du plus important des aqueducs de la cité antique de Lyon a été l’objet, à l’époque romane, de nombreuses imitations dans des églises rhodaniennes. On y retrouve les principales compositions suivant lesquelles s’organise cet appareil : larges frises horizontales, arcs ornementaux et tympans. Il est surprenant d’y voir aussi reproduits des motifs accidentels de l’aqueduc ; grands triangles résiduels restés en place après le pillage des moellons, files de triangles et de carrés ayant servi à corriger des imperfections de l’élévation.


Daniel CODINA i GIOL
Les chapelles des archanges à Cuixà

RÉSUMÉ
Cet article complète l’étude de l’ensemble construit par Oliba à Saint-Michel de Cuxa en faisant porter l’attention, à partir du texte du moine Garsias, sur les chapelles des archanges Gabriel, Raphaël et Michel, qui entourent et donnent sens à la crypte de la Vierge Marie de la Crêche. Cette oeuvre religieuse s’inscrit dans le cadre de l’accueil des pèlerins dans le monastère et et de l’importance donnée par Oliba à l’ensemble antérieur, construit sous les abbes Pons et Garin.


Bernard ARQUIER
Traces d’horloges solaires sur les édifices religieux médiévaux méridionaux : inventaire et étude critique

RÉSUMÉ
cette étude, qui a fait l’objet d’un master, a consisté : d’une part en un inventaire des marques radiées et cerclées sur les édifices religieux médiévaux des départements de l’Aude, de l’Hérault et des Pyrénées-orientales ; d’autre part en une étude critique de ces marques définies par des critères permettant de leur attribuer une fonction horologique dans le contexte religieux médiéval. Un essai de datation est présenté, de même qu’une ébauche de discussion des différents problèmes soulevés par de telles structures dans le cadre de leur interprétation.


Natacha PIANO
Approfondissements sur les peintures murales de Notre‑Dame de Vals

RÉSUMÉ
La relation, mainte fois reconnue, entre les peintures murales de Notre-Dame de Vals et les grands ensembles peints de Catalogne du nord traditionnellement rattachés au cercle de Pedret présente des nuances qui n’ont pas été mises suffisamment en évidence. À travers une analyse iconographique et stylistique approfondie et une confrontation avec un corpus d’œuvres plus diversifié qu’à l’accoutumée, qui a pu bénéficier des retombées positives des restaurations en cours, nous nous proposons de revisiter ces contacts et les questions qui leurs sont rattachées. La comparaison avec des oeuvres plus anciennes de Catalogne, ainsi qu’avec des cycles peints secondaires, nous permet d’entrevoir la diversité des traditions à l’oeuvre et de pressentir les origines et le stade d’évolution d’un métier pratiqué par un atelier de peinture d’une haute vallée pyrénéenne.



Christina WEISING
Les corbels du midi, miroir de l’art antique

RÉSUMÉ
L’étude des corbeaux du Midi révèle des liens étroits avec des éléments architecturaux de l’art antique. Ces liens structurels ou iconographiques se retrouvent dans les systèmes de corniches « à corbeaux intégrés », mais aussi dans d’autres éléments des parties hautes des monuments antiques comme les antéfixes. Les motifs qui sur les corniches antiques ornent le plus souvent les métopes, migrent sur les corbeaux de la corniche romane. Tous ces éléments et bien d’autres ont joué un rôle avéré dans la transmission des motifs. Le décor et l’iconographie des corbeaux romans, de Janus au personnage sur un socle de feuilles s’inspirent directement du répertoire antique. Même le corbeau dit « modillon à copeaux » y prend ses racines.


Begoña CAYUELA
Et sinistra manu capillum eius ad se adducens. L’adoption d’un motif antique dans l’iconographie du sacrifice d’Abraham

RÉSUMÉ
Un cadre de référence : la scène du sacrifice d’Abraham est un des thèmes bibliques qui a joui de la plus grande popularité dès les premiers temps de l’art chrétien, ce qui explique que l’on puisse en identifier certaines séquences iconographiques et en observer certaines variations qui, appliquées à de petits détails, permettent d’ajouter de nouvelles significations à l’image.
Une proposition : cette étude a pour point de départ un motif iconographique singulier, resté presque ignoré de la critique, permettant de suggérer un regard différent.
Un geste dramatique : sur le point d’accomplir le sacrifice de son fils, Abraham maintient Isaac par les cheveux avec une telle impétuosité qu’on aperçoit une touffe de cheveux qui dépasse du poing fermé du patriarche.
Une analyse iconographique : l’analyse de la distribution géographique et chronologique de ce geste – ou de son absence – sur les scènes du sacrifice d’Isaac permet d’obtenir une série de référence qui autorise certaines hypothèses. Il est possible de reconnaître une origine très ancienne de ce motif iconographique, ainsi que de proposer une interprétation du geste et de constater sa grande ductilité.


Laurence CABRERO-RAVEL
Survivances et altérations du chapiteau composite à l’époque romane

RÉSUMÉ
Le chapiteau composite est une création romaine qui ne retint guère l’attention des sculpteurs romans centrés sur le chapiteau corinthien. à l’issue d’un premier recensement sur le territoire français, il apparaît que le chapiteau composite se retrouve tant au XIe siècle que dans le courant du XIIe s., essentiellement en Velay où son succès reste à expliquer. Il reflète généralement un goût pour l’ornement et un intérêt plus général pour l’Antiquité. Les chapiteaux composites du XIe siècle révèlent une certaine familiarité avec les modèles du haut Moyen âge dont ils dérivent. Deux grandes tendances s’esquissent au sein même de la production : l’une s’impose par un classicisme relatif, l’autre vise à la prolifération ornementale. Les solutions schématiques et ornementales du passé sont abandonnées au XIIe siècle durant lequel se développe un intérêt pour le véritable composite dont on redécouvre les principes, la complexité et la richesse.



Ilaria SGRIGNA
Les répertoires ornementaux classiques et leur survivance dans les églises romanes espagnoles du XIe siècle : l’exemple du décor en damier ou ajedrezado jaqués

RÉSUMÉ
Malgré son ample présence dans la sculpture romane, l’étude du décor en damier n’a pas encore joui d’une grande considération parmi les spécialistes. Ce motif d’origine archaïque est présent dans les répertoires ornementaux de la céramique et de la mosaïque grecque et romaine, eux mêmes repris au Moyen Âge. Toutefois, sa transposition en formes tridimensionnelles est encore difficile à éclaircir, peut-être est-ce grâce à la peinture ou bien au stuc. Il semble possible que ce motif, survivant dans la mosaïque et la peinture, soit apparu dans la sculpture monumentale médiévale dans la première moitié du XIe siècle. En effet, contrairement à ce que les études traditionnelles ont supposé, on doit reconnaître sa présence dans les églises de l’Empordá et du Roussillon, où la chronologie des chapiteaux qui présentent le damier dans la sculpture ne dépasse pas la première moitié du XIe siècle. Il nous semble intéressant de voir comment ce décor apparaît dans la sculpture hispanique, puis se propage dans la péninsule et en France avec une grande vitesse. C’est justement grâce à l’énorme diffusion dans les principaux centres chrétiennes du Moyen Âge que son étude peut aider à tracer une sorte de géographie artistique qui révèle les principaux chantiers de production et les centres de rayonnement de l’art roman européen entre le XIe et le XIIe siècle.


Marianne BESSEYRE
Postérité et transmutations de quelques thèmes et formes antiques dans l’enluminure romane

RÉSUMÉ
Les motifs et modèles picturaux hérités des époques gréco-romaine, paléochrétienne et tardo-antique connaissent des fortunes diverses dans l’enluminure romane, de l’imitation plus ou moins directe à la réélaboration créative. L’enquête abordera d’abord les domaines où la tradition figurative antique s’est maintenue de façon fidèle (copie d’ouvrages savants, oeuvres littéraires). Les portraits des évangélistes et la représentation de la Majestas plongent leurs racines dans une longue tradition dont il est intéressant d’étudier la formulation romane. Nous scruterons enfin l’interprétation donnée aux formes ornementales classiques, ainsi que la reprise de thèmes christologiques antiques, dans deux espaces où le génie roman a trouvé particulièrement à s’épanouir : les tables des canons et l’initiale historiée.


Manuel CASTIÑEIRAS
Ripoll et Gérone : deux exemples privilégiés du dialogue entre l’art roman et la culture classique

RÉSUMÉ
L’abbaye de Ripoll constitue un exemple emblématique d’une relation privilégiée avec le monde classique. Son scriptorium et sa bibliothèque, particulièrement actifs entre la fin du Xe siècle et la première moitié du XIe siècle, sont les témoins d’une passion particulière pour l’étude des classiques, en particulier de la science du quadrivium. Le résultat de cet amour pour les lettres anciennes est la création, comme dans d’autres abbayes bénédictines telles Fleury ou le Mont-Cassin, d’une nouvelle culture dans laquelle les modèles anciens conditionnent et donnent sens à la construction du présent en embrassant ainsi les champs artistiques les plus variés. Ce phénomène, qui dans le cas de Ripoll peut se définir comme une « culture du calendrier », est parfaitement visible dans l’illustration des manuscrits de même que dans le domaine monumental. La visualisation et l’extériorisation progressives de cette culture touche autant ce monastère que son aire d’influence. Des lieux-communs comme le Tabernacle de Moïse ou le voile du Temple de Jérusalem, semblent se trouver à l’arrière plan de la décoration de l’autel de Ripoll ou de la confection de la Broderie de la Création de Gérone, de la même manière que la structure des arcs de triomphe romains se projette dans la construction du portail de Ripoll.


Barbara Drake BOEHM
Les gemmes antiques dans l’Œuvre de Limoges et du Centre de la France

RÉSUMÉ
Des études récentes sur le remploi des pierres précieuses classiques dans les travaux d’orfèvrerie du Moyen Âge ont largement négligé les oeuvres d’art du centre de la France et de « l’oeuvre de Limoges ». Ce document constitue une première enquête, centrée sur les principaux exemples conservés en grand nombre dans les trésors des églises françaises. Les types de pierres précieuses, leur sujet et leur datation sont identifiés et les raisons de leur choix pris en compte.


Jacqueline LECLERCQ‑MARX
Les avatars d’un mythe antique au Moyen Âge. Thésée et le minotaure aux époques préromane et romane

RÉSUMÉ
Cette étude présente tout d’abord les deux voies par lesquelles le Moyen Âge a été mis en contact avec notre mythe et l’a intégré à son imaginaire : les représentations tardoantiques du labyrinthe et de la lutte entre Thésée et le Minotaure, et les textes-relais principaux. Elle se poursuit par l’analyse de plusieurs images et textes des Xe‑XIIe siècles dans lesquels Thésée et le Minotaure sont évoqués ensemble ou séparément. À cet égard, une place spéciale a été réservée aux labyrinthes figurés dans la peinture de manuscrits et dans la mosaïque de pavement. Quelques sculptures romanes où les minotaures sont parfois accompagnés d’une inscription identificatrice, sont aussi commentées. Elles servent notamment de référence pour mettre en évidence la confusion formelle entre minotaures et centaures, voire minotaures et « onocentaures », selon la nouvelle acception de ce terme. Une large place est par ailleurs réservée à la moralisation de la figure du Minotaure et à l’interprétation symbolique de la victoire de Thésée. L’intégration du labyrinthe dans la prestigieuse série des Sept Merveilles du Monde fait aussi l’objet d’un rappel dans la mesure où Thésée et le Minotaure y sont associés et parfois représentés dans cette optique.


Alessia TRIVELLONE
Têtes, lions et attributs sexuels : survivances et évolutions de l’usage apotropaïque des images de l’Antiquité au Moyen Âge

RÉSUMÉ
Dans l’Antiquité, certaines sculptures étaient censées éloigner les forces du mal : le regard de la Gorgone, sculptée sur le fronton, défendait les temples de haut, les statues des lions protégeaient les défunts, Priape exhibant son sexe chassait les voleurs et les oiseaux des jardins. Au Moyen âge, des inscriptions et des sources écrites ou figurées témoignent de l’évolution de ces symboles, qui gardent toutefois leur valeur apotropaïque. Ainsi, la fonction de la Gorgone est relayée par les têtes humaines et animales, parfois grimaçantes, sculptées sur les édifices, des statues de lions sont placées à côté des seuils des édifices religieux et des figures masculines et féminines, souvent dans un emplacement liminaire, montrent leur sexe exerçant la même fonction de protection.


Daniel PRIGENT, Christian SAPIN
La construction romane et ses emprunts aux méthodes de construction antiques : méthodologie, essai de synthèse

RÉSUMÉ
Les maçonneries ont longtemps été le parent pauvre des études archéologiques consacrées aux monuments romans. Toutefois, depuis quelques années, et notamment grâce à de nombreuses interventions menées sur de grands comme de petits édifices, notre compréhension a rapidement progressé ; elle reste pourtant encore irrégulièrement avancée selon les régions. Une meilleure connaissance de bâtiments mérovingiens ou carolingiens, à la suite de la multiplication des études archéologiques des élévations, des datations objectives (dendrochronologie, radiocarbone, thermoluminescence, archéomagnétisme), permet de mieux suivre le devenir de pratiques antiques. Celles-ci ont en effet été moins délaissées sur les constructions en pierre que ce que l’on imaginait encore récemment. Un rapide tour d’horizon consacré aux différents types de maçonneries permet de suivre le devenir des principaux types d’appareils antiques, mais également de mieux comprendre la genèse et le développement du voûtement en pierre. Il apparaît cependant que certaines de ces techniques vont connaître une évolution sensible aux XIe et XIIe siècles. La rupture principale nous paraît correspondre au développement précoce de la préfabrication des pierres de taille en moyen appareil, dès le début du XIe siècle, comme en témoignent alors différents édifices, tant religieux que militaires. La maçonnerie de moellons s’adapte alors, au prix d’une transformation profonde des pratiques. Cette tendance principale n’exclut pas néanmoins la persistance de rares chantiers appliquant fidèlement les formules antiques, en plein coeur du XIIe siècle.


Jean‑Charles BALTY
De l’art romain à l’art roman : les spolia, « mémoire de l’antique »

RÉSUMÉ
Les spolia ne sont pas de simples remplois nécessités par le souci de récupérer un matériau – fût-il orné – que l’on n’avait plus à sculpter et qui permettait ainsi d’économiser une main-d’oeuvre plus ou moins qualifiée et d’abaisser le coût de la construction. Présents dans de nombreux monuments dès le IVe siècle de notre ère et soumis à une réglementation assez stricte, ils renvoient le plus souvent – et d’une manière tout idéologique, voire programmatique – aux siècles glorieux de l’histoire de Rome érigés en « modèles ». La présente communication s’attache plus particulièrement aux sarcophages, sarcophages de rois, de papes, de membres des familles nobles d’Italie, de Gaule et d’Espagne, qui s’inscrivent très nettement dans cette lignée, ainsi qu’aux sarcophages de saints et de martyrs auxquels ces remplois confèrent une certaine antiquité, voire une authenticité ; elle évoque également le cas des ivoires, des gemmes et des camées. Elle vise surtout à en fixer une chronologie aussi précise que possible afin de tenter d’établir une plus évidente continuité entre ces « modèles » antiques et les oeuvres de la sculpture médiévale, essentiellement romane, qui s’en inspirèrent.


Walter BERRY
Le recours à l’Antique à Saint‑Lazare d’Autun

RÉSUMÉ
La présence de l’Antique dans l’architecture et la sculpture de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun est un sujet bien connu. Cependant, un regard plus attentif révèle que si les constructeurs ont bel et bien emprunté des éléments romains, ils les ont appliqués à la structure du XIIe siècle sans pour autant toujours posséder une compréhension réelle de l’architecture classique. De tels « défauts » dans la connaissance ou l’observation sont encore plus évidents dans la façon dont les sculpteurs ont traité la représentation des structures antiques, notamment dans le tympan du Jugement dernier du portail nord de l’église. La réflexion sur la manière d’employer les éléments classiques, copiés ou imités, peut dans une certaine mesure nous informer sur la nature de la relation entre artisans et patrons durant le processus de construction de Saint-Lazare. Parallèlement, en analysant comment les vestiges matériels de la cité antique ont été utilisés, on peut tenter de comprendre les raisons qui ont sous-tendu les choix des commanditaires lors de la planification de l’iconographie. En considérant le rôle iconographique joué par un motif ou un élément, on peut aussi questionner plus profondément à la fois ce que cela a pu signifier pour les commanditaires ainsi que comment cela nous renseigne sur la communauté intellectuelle à laquelle ces mêmes patrons appartenaient.


Milagros GUARDIA
L’art chrétien et musulman hispanique : la recherche du prestige de l’Antiquité

RÉSUMÉ
Cet article est une analyse des aspects les plus remarquables nous permetant de comprendre les implications idéologiques ainsi que les caractéristiques des changements observés durant le haut Moyen Âge ibérique dans l’attitude des cultures chrétienne et musulmane face au passé classique. Cette étude, cependant, se limite à une région très précise, celle du royaume des Asturies et d’al Andalus, suivant une chronologie – les VIIIe et IXe siècles – qui correspond exactement à leurs premières manifestations artistiques. Autrement dit, il s’agit de réexaminer le processus de création ou d’émergence des formes artistiques qui définiront la personnalité propre à ces cultures. Ceci signifie que les emprunts, les dettes et les variations dans l’attitude font objet d’une analyse à partir de topoi ou d’exemples exceptionnels de ces deux domaines artistiques, après, bien entendu, une étude minutieuse du contexte historique.


Carles MANCHO
« L’oubli du passé ». Les origines de l’art médiéval en Catalogne

RÉSUMÉ
La disparition des élites culturelles et donc d’une production artistique soutenue pendant les VIe et VIIIe siècles, et le type d’occupation du territoire par l’autorité carolingienne, ont fait de l’apparition de l’art médiéval en Catalogne, un phénomène d’importation. Dans cette perspective, l’art antique n’a eu aucune influence idéologique sinon comme reflet de la formation culturelle des personnages dirigeant l’implantation carolingienne dans ce territoire. Un exemple de ce processus est l’itinéraire parallèle des villes de Barcelone et de Terrassa. Nous proposons en outre une lecture carolingienne du retable en pierre de l’église de Sant Pere de Terrassa. La base culturelle et artistique créée au IXe siècle est aux racines de la splendeur postérieure du XIe siècle qui, pour le coup, prit comme un de ses points de repère l’art antique.


Éliane VERGNOLLE
Conclusions

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