Martí AURELL
La Catalogne autour de 1100
RÉSUMÉ
Les caractères arabes de l’anneau sigillaire d’Ermessende de Carcassonne, le mariage de son fils officié par Mundir, émir de Saragosse, la correspondance de sa bru Almodis de la Marche avec l’émir de Dènia, ou les noces de Maria Roderic, fille du Cid, avec Raimond Bérenger III mettent en scène, par le truchement des femmes, les relations que les Catalans entretiennent, à l’horizon 1100, avec l’Islam. Ils passent, en effet, d’une cœxistence pacifique, voire d’une ferme alliance pour combattre des coreligionnaires, à une hostilité ouverte. En 1148, avec la conquête de Tortosa, le territoire de la Catalogne a plus que doublé, et cette expansion géographique s’accompagne de l’affirmation identitaire de la catalanité. Pour lutter contre les Almoravides, le comte de Barcelone s’appuie sur l’idéologie de croisade soutenue par les légats pontificaux, alors que ses voisins péninsulaires captent plutôt l’héritage wisigothique avec les notions de destruction-restauration de l’Hispania. C’est en somme le passage de la collaboration à la guerre, avec ses prolongements idéologiques, qui apparaît alors comme l’élément déterminant des relations entre Chrétienté et Islam en Catalogne.
Pierre GUICHARD
Valence et les musulmans valenciens face aux chrétiens à l’époque de la reconquête
RÉSUMÉ
On propose une brève vision de la société musulmane valencienne face aux chrétiens à l’époque de la Reconquête, de l’époque du Cid (fin du XIe siècle) à la répression de la dernière grande révolte des mudéjars valenciens (1275-1279). Dans une proportion importante, la population descend des romano-wisigoths qui peuplaient ces régions avant la conquête musulmane. Cette population est presque totalement islamisée à partir du second quart du XIIe siècle, moment où semblent bien disparaître les derniers éléments mozarabes identifiables. Elle est sans doute aussi très majoritairement arabisée culturellement. Les villes ont été des foyers actifs d’une arabisation linguistique qui s’est imposée aussi dans les campagnes. Les élites andalouses, bien que conscientes du caractère inéluctable de l’avancée chrétienne, ne parviennent pas à trouver une réponse adéquate à cette menace. La conquête catalano-aragonaise et la répression des révoltes détruisent les élites urbaines et l’appareil gouvernemental islamique, la population musulmane subsistante, majoritairement rurale, a la situation de minorité politiquement, socialement et économiquement dominée, dans une structure que l’on a pu qualifier déjà de “coloniale”.
Henri BRESC
La Sicile, de la précroisade à la monarchie œcuménique (1060-1190)
Nicolas FAUCHERRE
La fortification au Proche-Orient avant les croisades : l’exemple du Sahyun
Gérard DÉDÉYAN
Les chrétiens orientaux face à l’Islam, de la fin du XIe à la fin du XIIIe siècle
RÉSUMÉ
Dans le conflit avec l’Islam à l’époque des Croisades, les chrétiens d’Orient, conformément à la mentalité de l’époque, où les références primordiales étaient religieuses, se rangèrent plutôt du côté des Francs – par ailleurs plus tolérants que les Byzantins.
Le ralliement fut, dans l’ensemble, actif – ce qui n’excluait pas des tensions parfois très graves, particulièrement dans le comté d’Edesse – de la part des princes arméniens de Cilicie, d’Euphratèse et d’Antiochène, la sympathie des commerçants et artisans étant limitée par le souci de leurs intérêts économiques. Au XIIIe siècle, le royaume d’Arménie cilicienne, autant et plus que les Etats latins, les chefferies maronites – avec davantage de réticences de la part des montagnards que de la part des gens du littoral – comptèrent également parmi les solides appuis des Francs. L’offensive des Bagratides de Géorgie ouvrit un second front sur les arrières des Saldjoûkides, puis des Zengides et des Ayyoûbides. Mais l’invasion mongole ne leur permit pas d’intervenir directement au profit des Francs. C’est comme vassaux, rudement tenus en mains (à la différence des Arméniens de Cilicie, plus éloignés et donc plus libres), de l’ilkhân mongol de Perse, qu’ils font campagne contre les sultans mamelouks d’Egypte.
L’aide militaire des autres communautés – à savoir les Jacobites, les Melkites – est plus difficilement mesurable, étant donné qu’elles fournissent une infanterie sur laquelle les Francs ont tendance à faire peser la responsabilité de leurs défaites. Ces Syriaques, voués plutôt aux arts de la paix, paraissent jouer un rôle assez marqué dans le royaume de Chypre, à l’époque de la lutte contre les Mamelouks, soit qu’ils combattent sous leur dénomination traditionnelle de “Syriens”, soit qu’ils peuplent les rangs des Turcoples, l’un d’entre eux parvenant, d’ailleurs, au rang de grand turcoplier du royaume.
Valentino PACE
Présence et reflets de l’art islamique en Italie méridionale au Moyen âge
RÉSUMÉ
Il y a toujours des difficultés persistantes pour assigner un lieu d’exécution à un important groupe d’olifants (cors en ivoire d’éléphant) des XIe et XIIe siècles. Sur la base d’indices comparatifs ou circonstanciels, des chercheurs ont suggéré l’Italie du Sud et plus précisément la Campanie (Salerno, Amalfi) comme lieu de production de nombre d’entre eux. Cependant, même si la sculpture campanienne montre quelques similarités avec ces objets, il ne peut être tenu pour certain que cela démontre une origine commune. Une recherche plus approfondie et une comparaison avec la sculpture des plus importantes églises du XIe siècle de Bari (Pouilles) montre que là pourrait se situer le centre de production le plus important pour les olifants. Cette hypothèse pourrait être renforcée par des correspondances iconographiques entre les olifants et des manuscrits apuliens. En outre, si les affinités stylistiques (déjà proposées par les chercheurs pour certains ivoires) et iconographiques sont toutes deux convaincantes, le contexte historique l’est encore plus pour rendre cette hypothèse digne de considération. Sans aucun doute, Bari était la cité où la commande aristocratique était la plus à même d’être influencée par les objets produits en milieu byzantin ou islamique. Pour ces raisons, les “olifants d’Italie du Sud” représentent un des aspects les plus fascinants et les plus énigmatiques de la vie artistique et sociale du monde méditerranéen et constituent un exemple des contacts étroits et fructueux entre Byzance, l’Occident et le monde islamique. Seule une recherche ultérieure permettra cependant de démontrer la validité de cette hypothèse.
Sophie MAKARIOU
L’ivoirerie de la péninsule ibérique aux XIe-XIIe siècles : entre Andalus et Hispania
Avinoam SHALEM
Des objets en migration : les itinéraires des objets islamiques vers l’Occident latin au Moyen âge
RÉSUMÉ
De nombreuses églises, en Occident latin, exposent fièrement des objets dans leurs trésors. De plus, selon des inventaires médiévaux un grand nombre d’objets islamiques sont connus pour avoir été conservés dans les trésors des églises d’Europe. Nombre d’entre eux ont simplement disparu. D’autres ont été pillés, saccagés ou même détruits pendant les guerres. Malgré tout, un petit nombre d’objets islamiques conservés dans des collections publiques ou privées, sont connus comme ayant été à l’origine conservés dans des trésors d’églises. Ainsi, les objets islamiques conservés ou connus pour avoir été gardés dans l’Occident médiéval sont les “témoignages archéologiques” des intenses relations Est-Ouest. Le but de cette courte étude est d’illustrer les diverses voies par lesquelles les objets islamiques ont atteint l’Occident latin. C’est pourquoi ces objets ne sont pas classés selon selon leur matière, leur provenance ou leur date, mais plutôt selon leur biographie, à savoir leur mode de provenance spécifique jusqu’à l’Occident latin. C’est-à-dire en tant que souvenirs sanctifiés, présents royaux ou diplomatiques, trophées de guerre ou marchandises de luxe.
Milagros GUARDIA
À propos de la cuve de Xàtiva : un exemple de synthèse des substrats classique et islamique
RÉSUMÉ
Cet article étudie une cuve de marbre rosé réalisée et conservée dans la ville hispano-musulmane de Xàtiva (ancienne Saetabis romaine). Cette cuve, un objet de grandes dimensions et d’une typologie très peu fréquente, est décorée d’une frise en relief exceptionnelle dans le panorama de la production artistique de provenance andalouse. Les thèmes et les scènes analysés ont leur origine dans des cultures diverses, ayant en commun la transmission de thèmes princiers classiques qui ont été l’objet d’une véritable systématisation. Parmi ces thèmes on doit souligner, sur la cuve, ceux venus de l’Egypte fatimide. La composition finale est précisément adaptée à la structure de la cuve, elle montre un programme iconographique extrêmement cohérent. La filiation de l’objet et sa chronologie – que nous plaçons dans le XIIe siècle – permet de s’interroger sur l’art hispano-musulman de l’époque des taifas et almoravide, et en même temps de suggérer de nouvelles directions d’étude.
Xavier BARRAL i ALTET
Sur les supposées influences islamiques dans l’art roman : l’exemple de la cathédrale Notre-Dame du Puy-en-Velay
RÉSUMÉ
En 1911, Emile Mâle a proposé que certains caractères architecturaux et décoratifs de la cathédrale Notre-Dame du Puy, et d’autres édifices auvergnats, avaient une origine arabo-islamique, à travers l’Espagne musulmane. Une meilleure compréhension de ces caractères, et du substrat culturel pré-roman fait aujourd’hui justice de cette théorie des influences.
Caroline ROUX
Arcs trilobés et polylobés dans l’architecture romane. À propos des tribunes de Notre-Dame du Port de Clermont
RÉSUMÉ
A l’issu d’un bilan historiographique sur la question des arcs polylobés romans en France, il apparaît qu’aucune étude ne s’est jamais consacrée aux arcs des tribunes de la collégiale clermontoise. Cet ensemble d’arcs, pourtant bien connu depuis la mise en lumière d’Émile Mâle en 1911, a longtemps placé l’Auvergne au cœur des fondements de la théorie des influences islamiques. Les trilobes soulèvent d’importantes problématiques, selon que l’on considère les questions architectoniques, les ordonnances ou la place qu’occupent ces tracés au sein du contexte architectural de la région et, plus largement, français.
Emmanuel GARLAND
Les églises du Serrablo, en Haut-Aragon, et le mythe mozarabe
RÉSUMÉ
Le bassin supérieur du Gallego, situé au cœur du royaume d’Aragon naissant, constitue une entité historique et géographique où un nombre important d’églises du Haut-Moyen ge présentent des caractères communs fortement typés. Leur datation et l’origine de ces caractères particuliers divisent les historiens de l’art entre les partisans d’une datation haute associée à la reconnaissance d’une influence mozarabe, et ceux d’une attribution à l’époque romane. Pourtant l’étude de ces églises, menée à partir de celle de la plus achevée d’entre elles, Saint-André de Lárrede, l’observation attentive d’édifices indubitablement antérieurs, et celle d’un ensemble monastique récemment découvert (San Pelay de Gavín) permettent d’écarter de manière formelle l’idée qu’elles puissent relever de l’art mozarabe stricto sensu. Tout indique que cet ensemble roman original procède d’une volonté politique et artistique qu’un certain nombre d’indices conduisent à attribuer à l’abbé Banzo de Fanlo (seconde moitié du XIe siècle). Celui-ci sut encourager et développer un style roman propre à cette région qui fait du Serrablo, quelles que soient les velléités de récupération à des fins commerciales ou culturelles contemporaines, un authentique témoin du génie roman.
Christiane KOTHE
Quelques traces artistiques des relations entre Al-Andalus et l’espace ibéro-occitan
Quitterie CAZES
À propos des “motifs islamiques” dans la sculpture romane du Sud-Ouest
RÉSUMÉ
L’histoire de l’art de la première moitié du XXe siècle a été conquise par l’idée qu’une part de l’art roman était redevable à l’art d’al-Andalus ; en fait, si l’on peut établir une relation, c’est que les deux puisent à la même source de l’Antiquité, et que certains motifs participent d’un goût partagé. Il est frappant de constater que dans la sculpture du Sud-Ouest de la France au XIe et début du XIIe siècle, dans une région pourtant largement concernée par ce qui se passe au-delà des Pyrénées, il n’y a que très peu d’allusion aux Musulmans. Dans ce contexte, le chapiteau du cloître de Moissac qui porte un décor au net “parfum mauresque” présente un intérêt tout particulier puisqu’il permet de comprendre la genèse d’un motif de la sculpture romane.
Olivier POISSON
L’église de Planès et son interprétation comme mosquée au XIXe siècle
RÉSUMÉ
L’église de Planès excite depuis plusieurs siècles la curiosité : c’est un édifice de plan triangulaire, à trois absides, pour lequel il n’existe aucune véritable comparaison. Jugé depuis le XIXe siècle appartenir à l’époque romane, l’édifice a été considéré, entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe, comme d’origine arabo-musulmane, élevé à l’origine pour être une mosquée.
L’article fait l’historique et le commentaire de cette identification, et propose une analyse de sa signification dans l’historiographie roussillonnaise.
Jérôme BÉNÉZET
L’autel majeur de l’église Saint-Pierre de Théza et ses aménagements
Aymat CATAFAU
Conclusions