sommaire


Marie-Anne SIRE
De l’ombre à la lumière : les trésors de sanctuaire

RÉSUMÉ
Les trésors de sanctuaire n’étaient pas destinés à l’origine à être vus : ils étaient conservés dans des salles ou des armoires fortes dont les gardiens contrôlaient sévèrement l’accès. L’intérêt historique et artistique des oeuvres qui en font partie a justifié à partir des années 1960 qu’ils soient aménagés pour recevoir des visiteurs. L’accès à leurs collections demeure cependant difficile aujourd’hui dans des lieux aussi célèbres que les cathédrales de Nancy, Vannes, Angers, Rouen, Amiens ou Chartres. Une réflexion a été engagée par la direction de l’architecture et du patrimoine destinée à évaluer sur l’ensemble des 263 trésors existants en France les conditions de conservation des objets ainsi que l’état des recherches et des inventaires et les conditions d’ouverture au public.


Barbara Drake Boehm
Furta Sacra ? L’histoire récente de quelques reliquaires médiévaux français et la Loi Combes

Jean-Pierre CAILLET
Nature et enjeux des donations des grands laïcs aux trésors d’églises (IVe-XIIe siècles)

RÉSUMÉ
La constitution et l’accroissement des trésors d’église ont considérablement bénéficié des largesses des grands dignitaires laïcs - et notamment des princes territoriaux de rang divers. On en envisage ici une série de témoignages parmi les plus représentatifs quant aux motivations des dédicants et à la nature de leurs dons ; ceci en remontant d’abord aux temps paléochrétiens et au « premier » haut Moyen Âge, pour bien reconnaître le caractère décisif des orientations initiales ; puis en s’arrêtant tour à tour à l’action des Carolingiens (Charlemagne et Charles le Chauve surtout), à celle des comtes de Flandre autour de l’an mil, à celle des Ottoniens (à travers l’exemple particulièrement probant d’Henri II) et enfin à celle des Staufen (avec l’initiative de Frédéric Ier Barberousse pour la canonisation de Charlemagne). À ce panorama chronologique fait suite l’approfondissement de trois aspects apparus comme majeurs : la récurrence (à compter du IXe siècle, du moins) de l’image du dédicant, l’importance fondamentale des reliques dans les stratégies de pouvoir, et le caractère simultanément très authentique de la dévotion dont témoignent ces dons. En définitive, l’accent demeure toutefois porté sur leur rôle capital dans ce que l’on peut qualifier de développement d’une géopolitique du sacré, trait incontestablement dominant de l’époque.


Philippe GEORGE
Le trésor d’église, inspirateur et révélateur de conscience historique

RÉSUMÉ
Le culte des reliques est omniprésent au Moyen Âge et bien longtemps après, dans des domaines parfois et jusqu’ici insoupçonnés. Parler des reliques comme du quatrième pouvoir mérite une explication. L’article définit la relique, ensuite s’intéresse en particulier à une relique corporelle insigne, le crâne du saint, pour enfin développer la notion du trésor d’église, mémoire et conscience historique et artistique d’une ville ou d’une région.


Pierre-Alain MARIAUX
Trésor et reliques, ou l’effet collection

Marina FALLA CASTELFRANCHI
Trésors liturgiques byzantins dans les inventaires des monastères italo-grecs de l’Italie méridionale et de la Sicile

RÉSUMÉ
Malgré leur nombre et leur richesse, les inventaires des monastères italo-grecs sont assez mal connus. Les plus anciens datent de la fin du Xe siècle et concernent le territoire de la principauté lombarde de Salerne. Parmi les plus récents, on peut citer l’inventaire du célebre monastère du Patirion prés de Rossano en Calabre, de 1587, ou bien celui du monastère Saint-Philippe de Fragalà en Sicile (1634). On signalera plusieurs exemples illustres : celui du monastère Saint-Nicolas de Gallucanta à Vietri sul Mare, près de Salerne (1058), que l’on peut comparer au testament du protospathaire Eustatios Boïas, à peu près contemporain, d’avril 1059 ; celui du monastère Saint-Sauveur de Bordonaro, dans la province de Messine (1144), entre autres. Il conviendra de citer également les inventaires des églises métropolitaines, par exemple celui du temps du célèbre Brébion de Reggio en Calabre (1050).
Les inventaires monastiques, grecs et latins, de l’Italie du Sud permettent de mieux comprendre ce chapitre significatif de l’histoire du Mezzogiorno à l’époque byzantine. et pourtant, ces textes ont été negligés par les spécialistes du monachisme à Byzance. L’analyse comparative entre les inventaires italo-grecs, et les mieux connus des inventaires byzantins contemporains permettra de mieux comprendre le phénomène monastique dans l’Italie méridionale byzantine, et ses aspects artistiques et historiques.


Michael BRANDT
Bernward d’Hildesheim et ses trésors

RÉSUMÉ
Parmi les monuments qui ont été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO figure, outre l’église épiscopale d’Hildesheim, l’ancienne église du cloître Saint-Michel. Ce qui a été déterminant pour cette distinction était le fait que la construction et l’équipement de cette église offrent des éléments directs pour la compréhension d’une église romane.
à Hildesheim, on doit la construction de l’église à une personnalité qui dispose d’autant d’expérience du monde que de talents artistiques : Bernward (Bernard), qui a été évêque d’Hildesheim de 993 à 1022. La canonisation de Bernward au XIIe siècle a non seulement grandement contribué à ce que nous soyons bien informés sur sa vie, ce qui est inhabituel, mais aussi à ce qu’une grande partie de sa fondation du cloître Saint-Michel et de ses trésors d’église ait été conservée. D’une manière exemplaire, on peut montrer comment l’évêque dirigeait sa fondation, en quelle mesure il influençait sa conception artistique et les intentions qui y étaient liées.


Emmanuel GARLAND
Le trésor de Conques au Moyen Âge : quelques observations sur son histoire ancienne

RÉSUMÉ
Le trésor de l’abbatiale Sainte‑Foy de Conques est un des plus importants de France. Mêlant légende et réalité, quelques textes anciens permettent d’entrevoir l’origine des objets les plus prestigieux, essentiellement des reliquaires. Cependant il y a un décalage important entre ce que les textes laissant entrevoir et les objets qui nous sont parvenus : la plupart des objets décrits ont disparu et des objets subsistant seul un petit nombre est mentionné dans les textes anciens. Mais ici plus qu’ailleurs, les objets portent les traces d’une histoire, de leur histoire. C’est à la recherche des indices que nous nous sommes livré et, à partir de l’observation visuelle, nous avons essayé de discerner les différentes interventions, reprises et modifications qu’ont subies ces objets. Cela permet de voir progressivement s’enrichir le trésor, de ses origines au début du XIIe siècle, avant de constater un déclin, par paliers.


Danielle GABORIT-CHOPIN
Le trésor de Saint-Denis à l’époque romane : trésor monastique ou trésor royal ?

RÉSUMÉ
Le trésor de Saint-Denis a été le plus riche des trésors français. C’est à l’époque romane, principalement sous l’abbatiat de Suger (1122-1151), que l’abbaye et son trésor sont pourvus d’un statut très exceptionnel : abbaye royale (c’est-à-dire dépendant directement du roi, comme d’autres abbayes en France), elle devint aussi nécropole royale, gardienne des instruments du Sacre tandis que saint Denis, dont les reliques étaient conservées dans l’abbatiale, était reconnu comme « le patron spécial » du roi et « après Dieu, le protecteur sans pareil du royaume ».
Le trésor à la fin du XIe siècle était déjà d’une richesse étonnante et renfermait des oeuvres plus anciennes, de provenance inconnue (« éléphant de Charlemagne », « échecs de Charlemagne »), ou dons de souverains, Dagobert et Charles le Chauve.
L’abbé Suger enrichit ce trésor qu’il voulait le rival de celui de Sainte-Sophie de Constantinople. Fait exceptionnel, il a expliqué et justifié dans ses écrits ce qu’il avait voulu faire pour son église, prenant ainsi une place majeure dans l’histoire de l’art médiéval. Suger décrit les oeuvres du haut Moyen Âge qu’abritait son trésor et fit restaurer ou compléter certaines d’entre elles (« fauteuil de Dagobert », « autel d’or de Charles le Chauve »). Le « tombeau des Corps saints », renfermant les châsses de saint Denis et de ses compagnons, fut transformé pour devenir le centre de la nouvelle liturgie sandionysienne, à laquelle participait le roi. Suger fit encore exécuter une grande croix d’orfèvrerie au pied orné d’émaux champlevés. Il acquit ou se fit donner des vases liturgiques (« Vase de saint éloi », aiguière fatimide) et fit sertir des vases de pierre dure dans une monture d’orfèvrerie. Si la plupart des oeuvres commandées par Suger furent détruites, quelques-unes furent sauvées à la Révolution : ainsi le groupe des vases liturgiques aujourd’hui au Louvre, « l’Aigle », l’aiguière de sardoine, le « vase d’Aliénor » et le calice de Suger (Washington) suffisent-ils à assurer le renom de l’abbé Suger et du trésor de Saint-Denis, trésor monastique mais dont la richesse impressionnante est aussi fondée sur le lien très particulier que l’abbaye entretenait avec la royauté.


Roberto CASSANELLI
Le trésor des rois lombards à la cathédrale de Monza.
Architecture, objets liturgiques et idéologie du pouvoir, VIIe-XIVe siècles

RÉSUMÉ
La cathédrale de Monza abrite un ensemble exceptionnel d’objets liturgiques qui témoignent de son rôle de la période des rois lombards à la prise du pouvoir par les Visconti (XIVe siècle) et plus loin, jusqu’à Napoléon au moins. Modicia, petit vicus romain près de Milan, devint important dans les stratégies du pouvoir royal, lorsque la reine Théodolinde, princesse catholique de Bavière épouse du roi arien Agilulf, choisit d’y fonder une chapelle, où en 603 l’héritier au trône, Adaloald, reçut le baptême. Le noyau primitif du Trésor est constitué par la dotation de la reine pour le service divin. Un second moment d’enrichissement du Trésor est le règne de Berenguer (Xe siècle), qui donne à la basilique, outre plusieurs objets liturgiques, l’exceptionnelle série de diptyques datés de l’Antiquité tardive. Au début de la période romane, l’archevêque de Milan Aribertus donne à la basilique une très précieuse reliure en argent, malheureusement perdue. Pendant l’époque des Visconti le Trésor joue une fonction stratégique face au pouvoir impérial avec la reprise de la tradition des rois lombards et le mythe du sacre par les trois couronnes (d’or, d’argent et de fer), en réclamant la possession de la couronne du fer. Après la campagne d’Italie de Napoléon, le Trésor est transporté à Paris, au Cabinet des Médailles (les manuscrits sont envoyés à la Bibliothèque Nationale, puis Impériale), où en 1804 il est en grande partie volé. Même le don par Napoléon des pains d’argent pour la Messe du Sacre à la cathédrale de Milan ne suffira pas à combler cette perte.


Armelle LE GENDRE
Remarques sur l’élévation des reliques de la cathédrale Saint-Étienne de Sens en 1239

RÉSUMÉ
Le trésor de la cathédrale Saint-Étienne de Sens compte plus d’une centaine de corps saints et de reliques. Les authentiques aujourd’hui déposées aux Musées de Sens, les procès-verbaux de reconnaissance et les inventaires du trésor forment un corpus textuel d’une rare densité dont l’exploitation est encore à parfaire. Nous nous proposons de revenir sur l’histoire de ce trésor de reliques afin d’interroger sa mise en ordre idéelle et concrète. Il apparaît en premier lieu que les procès-verbaux de reconnaissance des reliques établis en 1095, 1192 et 1239 donnent cohérence à cet ensemble constitué par des dons successifs. Mais surtout, il apparaît qu’en 1239, l’archevêque Gautier Cornut procède à la translation d’un ensemble de reliques insignes vers douze reliquaires élevés au dessus des autels du sanctuaire. Le nombre douze renvoie sans équivoque au chiffre du collège apostolique. En conséquence, il convient d’analyser la portée de ce choix et de rappeler que cette année 1239 voit également la susception solennelle de la Couronne d’épines dans la cathédrale de Sens.


Guillem DALMAU
Orfèvrerie nord-catalane des Xe-XIIIe siècles, un essai de corpus

RÉSUMÉ
Le Centre de Conservation et de Restauration du Patrimoine, service du Conseil Général des Pyrénées-Orientales, conduit depuis 2002 l’inventaire exhaustif des biens mobiliers conservés dans les églises du département. Cet inventaire prend en compte toutes les catégories d’objets : peintures, sculptures, textiles, arts graphiques et bien entendu l’orfèvrerie. En sept ans, 20 % du territoire nord catalan a été inventorié et ce sont un peu plus de cinquante oeuvres d’orfèvrerie médiévale qui ont été dénombrées.
De cette orfèvrerie médiévale, rares sont les oeuvres antérieures au XIVe siècle (moins de dix). Nous essayerons donc d’offrir une vision des plus complètes des oeuvres conservées, sans pour autant négliger celles qui ont disparu mais dont les archives témoignent.


Jean-Luc ANTONIAZZI
Le trésor de Saint-Martin du Canigou à partir d’un inventaire du XVIIIe siècle

Michele Luigi VESCOVI
Reliques, images et trésors : la châsse de Saint-Romain de Reiningue

RÉSUMÉ
La châsse de saint Romain est conservée dans l’église paroissiale de Reiningue (Alsace), et provient du prieuré des chanoines réguliers d’Oelenberg, fondé en 1046 par Edwige, comtesse d’Enguisheim et mère du pape Léon IX. Sur les côtés de la châsse, réalisée en argent repoussé et doré sur une âme de bois, se déroulent différentes représentations : sur les faces principales figurent le Christ et la Vierge intronisés entre les apôtres. Sur les côtés mineurs se trouvent deux épisodes de la vie de saint Romain : le premier montre sa conversion, avec le baptême administré par saint Laurent, qui lève sa main pour bénir son geôlier ; sur l’autre face figure sa décollation. Le reliquaire, extraordinaire oeuvre d’orfèvrerie du XIIe siècle, n’a jamais attiré l’attention de la critique jusqu’à une récente exposition liée au contexte culturel et historique de la vie de la comtesse Mathilde de Canossa. L’analyse de l’histoire du reliquaire, avec les transformations subies au cours des siècles, permet d’en connaître toutes les parties originales et de mieux comprendre la chronologie, le contexte géographique et culturel de réalisation de cette oeuvre « oubliée », ainsi que les choix faits dans les images.


Mathias DUPUIS
Les peintures murales romanes de l’ancienne église paroissiale de Saint-André-des-Eaux (Côtes d’Armor)

RÉSUMÉ
L’ancienne église de Saint-André-des-Eaux (Côtes d’Armor) est un édifice de dimensions modestes, destiné à accueillir une petite communauté paroissiale. Malgré la sobriété de son architecture et bien qu’éloigné des grands centres de production artistique, cette église est l’un des rares édifices roman de Bretagne à avoir conservé une partie de ses décors peints ; par ailleurs bien documentés grâce à une série de relevés et de photographies réalisés au début du XXe siècle. La campagne d’étude conduite sur le site de 2007 à 2008 a permis, grâce à l’analyse archéologique des élévations et à la réalisation d’une série de sondages au sol, de rendre compte des différentes phases de construction et d’occupation du lieu de culte et de restituer les différentes campagnes picturales, qui s’échelonnent entre la construction de l’église à la période romane et son abandon, à la fin du XIXe siècle. L’objectif de cet article est de revenir plus précisément sur les caractéristiques des deux premières campagnes picturales romanes, datées entre la fin du XIe et le début du XIIIe siècle.


Arturo CALZONA
Mathilde de Canossa (1046-1076/1115) :
la monumentalisation des tombeaux des « ancêtres » et le trésor de sa « mémoire »

RÉSUMÉ
Le concept de « thesaurus » pendant le Moyen Âge est plus complexe que l’acception commune qui évoque les objets précieux, les étoffes ou les livres enluminés. L’idée de trésor que Mathilde de Canossa a élaboré et qu’elle a voulu laisser après sa mort est l’objet de cette étude : « thesaurus » est de fait aussi « la mémoire de soi-même et de ses ancêtres ». On a donc analysé la volonté de Mathilde de monumentaliser les tombes des ancêtres dans le château de famille à Canossa à partir de 1110-1111, mais aussi pour le mausolée de son père Boniface à Mantoue (+1052) et à Pise pour le sarcophage de sa mère Béatrice de Lorraine, (+1076). L’abbaye de San Benedetto Po, lieu de sépulture de la comtesse choisi par elle-même, représente la dernière étape de sa stratégie.


Ángela FRANCO MATA
Le trésor d’Oviedo, continuité de l’Église wisigothique. Aspects stylistiques et liturgiques, iconographie et fonctions

RÉSUMÉ
Le trésor d’Oviedo, comme la monarchie asturienne elle-même sous Alfonso II (791-842), Ramiro I (842-850), Ordoño I (850-866) et Alfonso III el Magno (866‑910) renvoie à l’ancienne monarchie wisigothique. Le royaume wisigothique de Tolède fut un point de référence continuel pour les projets artistiques et politiques de la cour d’Oviedo. La survivance de types iconographiques dans les arts les plus variés, comme la croix grecque pattée, ou la continuité d’offrandes n’est autre qu’une manifestation de respect envers la tradition plus qu’un intérêt pour introduire de nouvelles modes. La coutume de donner des couronnes votives du type de celles du trésor wisigothique de Guarrazar survit pendant le règne de Fernando I de León. L’art roman se reflète dans quelques-unes des œuvres postérieures, avec des exemples remarquables, comme l’exceptionnelle Arca Santa de la cathédrale d’Oviedo.


Sophie MAKARIOU, Gabriel MARTINEZ-GROS
Le trésor du palais fatimide du Caire : inventaire du profane, mécanisme de dispersion et pieuse conservation

RÉSUMÉ
Le pillage des palais fatimides du Caire, entamé à partir de l’année 1067, a été consigné comme un événement majeur et indépassé dans l’histoire du monde islamique classique. Deux ouvrages en témoignent tout particulièrement : Le livre des raretés et des cadeaux, rédigé au XIe siècle par un familier anonyme de la cour fatimide, probable témoin direct du pillage du palais ; et le livre, plus fourni mais beaucoup plus tardif de Maqrizi (m. 1445), Le profit de l’exhortation des pieux sur l’histoire des califes fatimides. Le pillage se situe peu après l’apogée du califat fatimide du Caire au début du XIe siècle. Son affaiblissement est consécutif à la perte du Maghreb et aux affrontements ethniques à l’intérieur des armées du califat, entre Noirs et Turcs. Les Turcs, victorieux, mènent le pillage.
Le texte de Maqrizi permet de poser le problème de l’équivalent monétaire du trésor et d’examiner un certain nombre de mécanismes économiques, entre autres la dévaluation probable du dinar (monnaie d’or). La valeur du trésor apparaît partout en filigrane dans le texte de l’auteur du XVe siècle. Elle organise l’exposé même de Maqrizi et on peut en déduire deux ordres de valeur, l’un monétaire, l’autre symbolique, irréconciliables. Ces deux textes denses font émerger de nombreuses questions sur la notion même de trésor, qu’il conviendra de ne pas calquer trop simplement sur celle formée en Occident. Ils mettent en relief également dés le XIe siècle l’émergence de la notion d’oeuvre d’art.
Enfin, on s’efforcera de percer les ambiguïtés des mots, dont les meilleurs dictionnaires arabes ne sont pas venus à bout. Peut-on reconnaître des objets, des formes, des techniques derrière des formulations vagues, et que Maqrizi lui-même, qui recopie des informations vieilles de trois siècles, n’identifie pas nécessairement toujours ? Peut-on repérer, dans les vestiges fatimides qui nous restent, sinon le produit du pillage, du moins les traces d’une production comparable à celle dont le texte nous parle ? Quel fut le destin de ces objets après la dispersion du trésor, selon Maqrizi, et selon ce que nous savons par ailleurs ?


Valérie CARPENTIER
Après les Trésors, les destins variés des objets d’art romans

RÉSUMÉ
Parmi les nombreux objets précieux présents dans les trésors ecclésiastiques à l’époque romane, qu’un certain nombre de sources nous permettent d’appréhender et d’étudier, peu sont parvenus jusqu’à nous, à quelques exceptions notables près. À l’inverse il est souvent difficile d’identifier la provenance exacte des objets que nous avons la chance de conserver effectivement aujourd’hui, ainsi que d’en retracer les itinéraires très variés, après les trésors. À travers un certain nombre d’exemples et de cas emblématiques, sont envisagés les différents types d’aléas rencontrés par ces objets d’art romans dès leur origine, puisque une disparition précoce constitue le sort commun de nombre d’entre eux en raison de la fonction même des trésors d’églises, ainsi que les épisodes plus ou moins violents qu’ont connus au fil des siècles nombre de ces objets précieux, objets de collection, objets de convoitise.


Aude MORELLE
Les salles du Trésor en France aux XIIe et XIIIe siècles, nouvelles réflexions sur l’architecture d’une structure discrète

RÉSUMÉ
Au Moyen Âge, les richesses des communautés religieuses étaient conservées dans un lieu spécifique assimilé à l’église ou situé à proximité immédiate, connu sous le nom de salle du trésor. L’histoire architecturale de ces lieux qui se développèrent sous des formes plus ostentatoires à partir des XIIe et XIIIe siècles, reste à écrire. Les contraintes de mise en sûreté du trésor ont abouti à des partis pris dans la construction et l’aménagement de son lieu de conservation, qui sont communs à toutes les salles du trésor. Ces choix permettent de les distinguer en tant que structure à part entière. Leur compréhension et celle de l’organisation humaine de la vie religieuse autour de la salle du trésor, sont des problématiques nouvelles pour ce type de structures et qui demandent encore à être traitées sur un large corpus


Xavier BARRAL i ALTET
Culture visuelle et réflexion architecturale au début du XIe siècle : Les voyages de l’abbé-évêque Oliba
(2e partie : Les voyages à Rome et leurs conséquences)

RÉSUMÉ
La culture visuelle de l’abbé-évêque Oliba, menant à une réflexion architecturale et à la prise de décisions sur les édifices religieux dont il avait la charge, s’est nourrie de trois sources complémentaires : la culture locale appartenant à l’imaginaire collectif et aux réalités quotidiennes dans lesquelles Oliba avait baigné depuis son enfance ; les voyages à courte distance conduisant à des échanges locaux ; les voyages de plus longue durée au cours desquels Oliba pouvait entrer en contact avec des réalités architecturales d’un paysage monumental auxquelles il était étranger. Parmi ces derniers on doit souligner l’importance des déplacements italiens et romains. Au moins deux fois, lorsqu’il était encore seulement abbé, Oliba se rendit à Rome, en 1011 et 1016. Comme Sigéric de Canterbury et tous les grands voyageurs de son temps, Oliba visita les grandes basiliques romaines et fut certainement impressionné par les colonnes romaines historiées et par le format du Panthéon alors grand sanctuaire marial à plan centré.


Chiara MAGGIONI
Le trésor de l’ancienne cathédrale de Milan : objets liturgiques et mémoire de la « sancta mediolanensis ecclesia »

RÉSUMÉ
Parmi les objets liturgiques conservés dans le Trésor du Dôme de Milan seuls cinq ont appartenu, à des moments différents – entre VIe et XIe siècle -, à l’ancien groupe épiscopal qui a précédé la grandiose construction des Visconti. À partir des inventaires et des sources liturgiques et historiques, on peut repérer d’autres pièces, maintenant perdues, ayant fait partie du Trésor de la Cathédrale et reconstruire certains moments-clés de son histoire, entre commandes des archevêques et donations de l’autorité laïque, expression de la déférence du pouvoir temporel envers l’autorité suprême du métropolite milanais. Les oeuvres de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge sont encore à l’usage à l’époque romane et plus tard, précieuses reliques de la « sancta mediolanensis ecclesia » et de ses évêques, successeurs d’Ambroise.


Daniel CODINA i GIOL
Les quatre inventaires du trésor du monastère de Ripoll

Paul BRETEL
Les trésors dans la littérature narrative édifiante du Moyen Âge

Jean-René GABORIT
Conclusions

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