P. Scott Brown (University of North Florida, USA) Amat d’Oloron à l’abbaye de La Sauve Majeure : l’esprit constructeur et son guide dans l’architecture religieuse en Aquitaine à la fin du XIe siècle

La belle ruine de l’abbaye de La Sauve Majeure est un chef-d’œuvre de l’art roman en Aquitaine. La légende de sa fondation en l’an 1079, déjà connue des historiens, est peu plausible mais typique des récits de fondations monastiques au Moyen Âge. Un duc pieux, Guillaume VIII d’Aquitaine et un saint homme excentrique, Gérard de Corbie, ont établi le monastère au milieu d’une forêt déserte. Les arbres tombèrent par terre au simple contact du couteau de l’abbé. Les bâtiments de l’abbaye sont montés de la terre comme construits par la foi et non par le dur travail ni le trésor du duc. Les rois et les princes d’Europe furent émus par le zèle du saint homme et par son amour de la pauvreté et de la solitude, donc ils donnèrent à l’abbé de l’or et des terres pour faire de son abbaye l’une des plus grandes et plus riches de France. Cette histoire, qui mêle faits et fantaisie, attire notre attention sur la complexité des conditions religieuses, politiques et économiques qui ont produit les grands monuments du XIe et du XIIe siècle. La Sauve Majeure est sans doute une des fondations monastiques les plus importantes et les plus réussies de France au dernier quart du XIe siècle, mais les vérités de sa fondation et la chronologie de son architecture et de sa sculpture restent obscures. Qui a construit l’abbaye de La Sauve Majeure? Qu’ont-ils construit? Et pourquoi? À côté du pieux duc et du saint Gérard, un troisième homme est mentionné dans le cadre de la fondation de l’abbaye: Amat, évêque d’Oloron, archevêque de Bordeaux et légat du pape Grégoire VII en France et en Espagne, homme de grande énergie, savoir-faire et capacité politique. Bien que son nom reste pratiquement inconnu des historiens de l’art, sa carrière offre une perspective fascinante sur le développement de l’art roman à la fin du XIe siècle au moment de la résurgence de la sculpture figurative. Les voyages et les occupations d’Amat d’Oloron tracent une ligne directe entre les plus importants foyers de l’art roman : de Cluny à Poitiers, Limoges, Saintes, Bordeaux, Toulouse, Moissac et Jaca, parmi de nombreux autres sites. Par ses dons, fondations, consécrations et autres actes, il a des liens intimes avec des monuments d’une grande importance pour l’histoire de l’art roman. Lui aussi était bâtisseur, à Oloron, à Bordeaux et, je viens de le proposer, à La Sauve Majeure. Étudier le rôle d’Amat d’Oloron à La Sauve Majeure, c’est interroger l’idée de l’art roman lui-même : de la vie religieuse et l’esprit bâtisseur en France à la fin du XIe siècle, à l’époque de la réforme grégorienne et au début de la renaissance de l’art de la sculpture.

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