Fonder, construire, consacrer une abbaye en Poitou et Saintonge à l’époque romane

L’activité architecturale qui a donné naissance au riche patrimoine roman de nos régions est en grande partie liée au remarquable développement de la vie monastique aux XIe -XIIe siècles. Mis au service de l’aspiration spirituelle de ceux qui choisissaient alors de vouer leur existence à Dieu par une vie communautaire de prière, cet élan constructeur a été favorisé par l’essor économique de la période et soutenu par l’ensemble de la société (tant laïque qu’ecclésiastique) qui bénéficiait en retour des bienfaits spirituels dispensés par les moines. Outre les monuments eux-mêmes, diversement conservés, qui témoignent de modalités pratiques et de choix esthétiques variés, on dispose d’une série de textes révélant en parallèle la construction d’une identité et d’une mémoire communautaires profondément ancrées dans ces récits de fondation ou de consécration du lieu. Le Poitou et la Saintonge, bien connus pour la qualité de l’architecture et du décor de ses monuments romans, offre une belle moisson de ce genre de textes qu’on peut mettre en regard des vestiges conservés, pour comprendre comment les deux contribuent, conjointement, à magnifier la communauté, son mode de vie, peut-être également les valeurs dont elle est apparaît comme garante. C’est le cas, par exemple, de la belle légende de fondation de Maillezais, de la riche chronique de construction de Saint-Jean de Montierneuf à Poitiers, du récit détaillé de la consécration de la Chaize-le-Vicomte, des nombreuses manipulations documentaires perceptibles dans le cartulaire de Charroux, ou encore des exceptionnelles inscriptions sur les tables d’autel romanes de Saint-Savin. Confrontés à la réalité historique et architecturale contemporaine, ces récits révèlent parfois le rôle dévolu aux différents acteurs de la construction d’une abbaye (fondateur/commanditaire, architecte, sculpteurs et maçons…). Ils éclairent surtout le contexte religieux, culturel, politique, économique des fondations et laissent percevoir, dans une subtile (re)construction mémorielle et identitaire, les enjeux et rivalités que chacune d’entre elles a pu générer. Ils mettent enfin en lumière les éléments principaux que les contemporains considéraient comme générateurs de prestige, et qui ont pu influer sur la conception et la réalisation matérielle des édifices : revendication d’un puissant patronage laïc, détention d’illustres reliques, haute qualité de l’observance religieuse, conformité sans faille aux attentes pontificales par exemple. A partir de quelques dossiers bien documentés issus du vaste domaine du comte de Poitiers, la communication essaiera de proposer une lecture renouvelée d’un art constructif et décoratif dont le rôle premier, celui de servir d’écrin à la quête de Dieu des religieux, s’est rapidement enrichi d’autres considérations étroitement tributaires du monde extérieur.

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