La notion d’art roman s’applique-t-elle aux châteaux ? Pour y répondre, nous verrons successivement les mythes anciens et modernes que véhicule cette idée, puis les réalités induites par les nouvelles datations et interprétations des programmes fonctionnels, essentiellement pour les maîtresses tours ou donjons, puisqu’il semble bien qu’on ne puisse pas qualifier l’enceinte « romane » dans ses spécificités. Prosaïquement, l’âge du château roman se définit en creux, entre la floraison des mottes lors de l’enchâtellement de l’an Mil et la révolution de la défense active avec le château de Philippe Auguste des années 1200. Pour tout pouvoir qui veut s’inscrire dans la durée – de Charles V dressant de grosses tour srésidences à contrefort à Vincennes pour dire l’ancienneté de sa dynastie contestée jusqu’à Soliman érigeant au XVIe siècle à Jérusalem une enceinte néo-saladine incapable de résister au canon mais clamant l’antériorité des musulmans sur les chrétiens dans la ville trois fois sainte -, se légitimer par la filiation aux temps romans constitue une force symbolique incontestable. Au-delà, le « château roman » fut longtemps la proie des mythes, celui du décalage d’un siècle avec l’architecture des églises romanes en pierre, celui du rôle défensif de la maîtresse tour, qui s’avère être d’abord résidentielle, celui pour nos régions des châteaux dits « cathares », alors que construits par le roi capétien après la conquête du Languedoc. Ainsi, grâce à la re-datation du donjon de Loches, c’est tous les grands donjons quadrangulaires à contreforts qui tendent aujourd’hui à être redatés du XIe siècle et non du XIIe, même si la formule perdure très tard dans le bas Moyen-Age (Pons, Saint-Émilion), et à être réinterprétés comme des palais. Ainsi des châteaux occitans d’avant la croisade albigeoise, mieux connus grâce à l’étude des castra de la montagne d’Alaric.

Nicolas Faucherre, Aix-Marseille Université

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