Nicolas Faucherre, Heike Hansen, Andréas Hartmann-Virnich, Aix-Marseille Université

L’église d’Abou Gosh, près de Jérusalem, construite vers 1160 par les Hospitaliers sur un site identifié par une tradition aux origines incertaines avec l’Emmaüs de l’Evangile, est surtout célèbre pour ses magnifiques peintures murales byzantines, réalisées peu avant la conquête de Jérusalem par Saladin en 1187. L’édifice roman s’élève sur une source pérenne qui sourd à l’intérieur même de sa crypte, captée par un conduit maçonné antérieur à l’église, formant un bassin dans lequel on pouvait descendre et remonter par deux volées de marches latérales. Conduit en 2016-2017 et destiné à une reprise à l’automne de l’année 2021, notre programme de relevé et d’étude archéologique et archivistique a permis de modifier considérablement la vision de la chronologie et de la fonction de l’édifice dont le premier niveau, interprété naguère comme une citerne romaine opportunément reprise et surélevé par les bâtisseurs de l’église, fut en réalité intégralement construit ex novo comme partie intégrante du programme monumental d’une église à deux niveaux, destinée à organiser et à mettre en valeur et en scène l’accès au bassin. La descente dans les eaux était organisée par une sorte de vanne ou martellière permettant de les retenir et d’en faire monter le niveau. En fait, le plan entier de l’édifice et les circulations permettaient d’accéder à ce lieu de culte inférieur soit directement par un portail latéral, soit par deux couloirs semi-rupestres dans la moitié occidentale de l’édifice, que les visiteurs d’alors pouvaient rejoindre par le portail de l’église haute, dont les deux premières travées étaient sans doute réservée aux laïcs tandis que les deux travées orientales et le chevet tri-absidal, entièrement peints, étaient réservés aux religieux qui pouvaient emprunter des accès privatifs depuis les bâtiments conventuels à l’est. L’importance donnée à l’eau suggère qu’elle jouait un rôle central pour les visiteurs, dont les pèlerins sur la route de Jérusalem. Or, le relevé des signes lapidaires a permis d’identifier une inscription arabe à l’étage de l’abside principale. Ce document lapidaire remarquable, contemporain de la construction de l’édifice, mentionne non pas l’Emmaüs de l’Evangile – identifié par ailleurs, dès l’époque byzantine, avec le site concurrent de Nicopolis — mais les noms du prophète Samuel et des patriarches Isaac et Jacob, aux côtés du mot « nahr », référence au conduit aquatique, qui se trouve exactement à l’aplomb de l’inscription, ce qui pose désormais la question de l’identification de la source avec les temps de l’Ancienne Alliance. La future campagne archéologique, dédiée à l’étude des bâtiments connexes doit préciser le lien de l’église avec son environnement et notamment avec le bâti antérieur dans la mesure où l’étude des photographies antérieures aux restaurations et constructions du début du XXe siècle a mis en évidence que l’église fut bâtie en appui contre un corps architectural préexistant, confirmant ainsi les résultats des fouilles du milieu du XXe siècle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e mail ne sera pas affichée. Champs obligatoires *

EffacerSoumettre