Philippe Cordez, Centre allemand d’Histoire de l’Art (Paris)
La couronne d’Hildegarde de Bingen est une découverte récente. Depuis le haut Moyen Âge, on remettait aux nonnes, lors du rituel de bénédiction qui marquait leur statut de vierges, une couronne. Vers 1150, la nonne rhénane Hildegarde de Bingen (1098-1179), théoricienne et importante actrice de la réforme ecclésiastique, décrit dans son recueil de visions Scivias un ornement de coiffure conçu comme un insigne spécifique des religieuses vierges. Hildegarde y développe un programme d’images complexe que l’on retrouve en détail, en broderies de soie, d’or et d’argent, sur une couronne textile apparue en 1999 sur le marché de l’art et conservée aujourd’hui à la Fondation Abegg (située à Riggisberg près de Berne et spécialisée dans l’étude des textiles anciens). Probablement réalisée pour Hildegarde à la fin de sa longue vie, cette précieuse couronne est manifestement celle qui fut vénérée comme relique de la « sainte prophétesse » au monastère Saint-Matthias de Trèves, où elle est attestée jusqu’en 1793. La conférence présentera les principaux résultats d’une étude monographique coécrite avec Evelin Wetter, conservatrice à la Fondation Abegg (Die Krone der Hildegard von Bingen, Riggisberg 2019). L’attention portera d’une part sur les ressorts et sur la rhétorique d’une création présentée comme miraculeusement visionnaire, d’autre part sur les récits de miracles associés à la coiffure d’Hildegarde – qui, comme nonne, avait l’originalité de porter les cheveux longs – dans les décennies qui suivirent sa mort. (Une autre partie du livre paraîtra en français sous le titre « Vision et broderie : la couronne d’Hildegarde de Bingen et ses médaillons » dans La broderie au Moyen Âge : xiie-xve siècle, dir. Astrid Castres, Rose-Marie Ferré et Philippe Lorentz, Turnhout : Brepols).