Gérard DEDEYAN
Moines de Grande Arménie et pèlerins arméniens en Occident (VIe-XIIe siècle)
RÉSUMÉ
Les monastères de Grande Arménie envoient toujours vers l’Occident, entre le VIe et le XIIe siècle, des moines-pèlerins qui sont parfois des prélats de haut rang.
Ces déplacements s’effectuaient pendant les périodes de difficultés ou de catastrophes : suppression du royaume d’Arménie par les Perses, en 428 ; domination arabe (654‑884) ; conquête de la Grande Arménie par les Turcs (deuxième moitié du XIe siècle). La participation des Arméniens aux opérations militaires de l’Italie byzantine favorise aussi la création de pôles d’attraction. Les contacts sont cependant les plus fructueux pendant les périodes d’épanouissement des royaumes, périodes où le monachisme fleurit, de manière concomitante. Vers l’an Mil, les pèlerins arméniens sont plus des adeptes de la peregrinatio Christi que des réfugiés : soucieux d’aller vénérer à Rome les tombeaux des apôtres Pierre et Paul, comme certains de leurs prédécesseurs, ces moines sont sans doute aussi sensibles au renouveau de l’église d’Occident. Leur sainteté stimule la piété populaire après leur mort: dans les royaumes d’Italie et de France, ils sont souvent portés sur les autels.
Il est difficile de mesurer l’impact de ces contacts interecclésiastiques sur l’art occidental : certaines similitudes restent, en tout cas, troublantes…
Christiane DELUZ
La représentation de l’Orient dans la cartographie médiévale à la période romane
RÉSUMÉ
Les cartes médiévales ne sont pas réalisées avec les mêmes principes que les cartes actuelles et elles n’ont pas les mêmes fonctions. Six cartes sont présentées.
– Les deux cartes dites de Jérôme. L’une représente l’Orient, l’autre la Terre Sainte. Elles furent réalisées probablement au VIIIe siècle.
– La carte dite d’Isidore, des Xe ou XIe siècles. C’est une carte en T.O., les trois continents, Asie, Europe et Afrique, sont entourés par l’Océan et séparés par la Méditerranée, le Don et le Nil.
– La mappemonde de Beatus conservée dans un manuscrit du Commentaire de l’Apocalypse du moine Beatus de Liebana († 798). Cet exemplaire fut réalisé pour l’abbé de Saint-Sever, avant 1060.
– La carte Cotton (Xe ou XIe siècle), probablement dessinée en Irlande.
– La carte du Psautier est incluse dans un psautier du XIIIe siècle. Très petite (diamètre 8,5 cm), elle comporte 145 légendes. C’est une somme des connaissances sur l’Asie, les villes légendaires, les cités et provinces antiques, ainsi que les villes de l’époque comme Ascalon ou Damiette.
Ainsi, s’il semble ne pas y avoir d’évolution dans les représentations et la nomenclature de l’Asie dans ces cartes médiévales, elles montrent que l’Empire romain tombe progressivement dans l’oubli, que la Chrétienté triomphe et que l’Asie, riche et merveilleuse, s’offre à ceux qui veulent l’explorer.
Dominique WATIN-GRANDCHAMP, Patrice CABAU, Daniel et Quitterie CAZES
Le coffret reliquaire de la Vraie Croix de Saint-Sernin de Toulouse
RÉSUMÉ
Le reliquaire de la Vraie Croix conservé dans le Trésor de la basilique Saint-Sernin de Toulouse apparaît comme une pièce exceptionnelle : ce petit objet témoin des relations entre l’Occident et l’Orient, commandé par Saint-Sernin et produit par les ateliers d’émaillerie de Limoges, est sans équivalent. Le « reportage » figuré sur trois faces du coffret raconte comment un fragment de la Croix a été donné, à Jérusalem, par l’abbé de Josaphat à Raymond Botardel qui, après avoir traversé la Méditerranée, l’a remis à l’abbé Pons, lequel l’a offert avec ses chanoines à saint Saturnin de Toulouse. Destiné à authentifier la relique, ce récit pose le problème du non-dit : qui étaient exactement les personnages représentés, quels mobiles ont pu conduire Raymond Botardel en Palestine, quand son voyage eut-il lieu… ? À ces questions s’ajoutent celles qui concernent le reliquaire lui-même, et le contexte dans lequel il a pu être commandé.
Christian FÖRSTEL
Les manuscrits grecs en Occident entre le Xe et le XIIe siècle
RÉSUMÉ
Largement ignoré pendant une grande partie du Moyen Âge occidental, le grec a néanmoins toujours fasciné les milieux lettrés latins. Cet intérêt se traduit dans le domaine de la circulation du livre par une présence relativement importante de manuscrits grecs en Occident avant l’époque humaniste. Entre le Xe et le XIIe siècle, cette présence est attestée dans l’empire des Ottoniens et des Saliens comme dans la France des rois capétiens: le manuscrit grec 375 de la Bibliothèque nationale de France fait le lien entre Cologne, où il a été copié au XIe siècle, et l’abbaye royale de Saint-Denis, où il se trouve dès le XIIe siècle. À Cologne comme à Saint-Denis, l’étude du grec se reflète dans la production livresque. Dans ces deux centres, l’hellénisme se cantonne toutefois au seul domaine théologique ou biblique. Infiniment plus vaste est le domaine couvert par les études grecques à Pise dans le deuxième et le troisième quart du XIIe siècle : bénéficiant d’un contact direct avec la capitale de l’empire byzantin, le juriste Burgundio réunit à Pise des manuscrits constantinopolitains de très grande qualité qui servent de base à ses traductions de Jean Damascène, de Jean Chrysostome et surtout d’Aristote.
Elena ALFANI
Relations iconographiques entre Catalogne et Orient : mobilité des modèles
RÉSUMÉ
Cet article traite des relations entre Orient, Italie et Espagne sous différentes facettes. Dans un premier temps, on a relevé les analogies dans la manière de répartir, en frise continue ou en registres superposés, les cycles vétéro et néotestamentaires dans les absides et dans leurs abords liturgiques. Un autre exemple de l’influence iconographique orientale se trouve dans le registre thématique des théophanies-visions reproduites dans les murs absidiaux de Catalogne sous une forme abrégée. L’influence orientale est également présente dans des thèmes iconographiques spécifiques, comme dans la scène où Constantin et Hélène soutiennent la Sainte-Croix dans l’abside nord de l’église de Santa Maria de Barberà. Dans les trois cas analysés, il s’agit de traditions paléochrétiennes originaires de Terre Sainte ou de Palestine, transmises parallèlement en Occident et ensuite récupérées et réélaborées par l’art carolingien et ottonien, ainsi qu’au XIe siècle durant la Réforme grégorienne.
Julie ENCKELL JULLIARD
Typologie et emplacement de l’Ascension dans le décor monumental entre Orient et Occident : état de la question
RÉSUMÉ
Cet article traite de la représentation de l’Ascension dans la décoration monumentale occidentale et orientale autour de 1100. En Italie comme en Cappadoce, la scène a une valeur iconique, tout en faisant partie d’un récit. Des premiers exemples en Italie centrale aux derniers exemples français en Aquitaine, l’auteur montre d’abord comment les diverses Ascensions produites dans le contexte de la réforme grégorienne sont guidées par des règles très particulières. Ces règles sont censées souligner l’idée de la venue d’un nouveau règne (celui des réformateurs), en utilisant deux images empruntées aux premiers temps chrétiens tôt : la vigne, symbole de l’église en floraison, et la Traditio Legis, la transmission de la Loi à Moïse. En outre, les inscriptions et la Traditio legis insistent sur l’idée que la paix est la mission des apôtres, et de Pierre en particulier, qui incarne le nouveau pouvoir pontifical défini par les réformateurs. Dans la deuxième partie de l’article, l’emplacement de l’Ascension dans l’espace de l’église est relié à sa fonction liturgique et aux rituels funéraires.
Dulce OCÓN ALONSO
Une salle capitulaire pour une reine : les peintures du chapitre de Sigena
RÉSUMÉ
Les peintures de la salle du chapitre de Sigena (Huesca) constituent un exemple exceptionnel de peinture murale byzantinisante des alentours de l’an 1200. L’atmosphère obtenue dans cette salle splendide, qui rappelle le prestigieux art byzantin et les ensembles siculo-normands, est en harmonie avec le moment de projection internationale que traverse le royaume d’Aragon. Ni les mosaïques de Sicile, ni l’illustration de la Bible de Winchester ne permettent d’expliquer entièrement ces peintures. La série des généalogies représentée sur les intrados des arcs révèle qu’on a eu recours à d’autres sources. Les magnifiques portraits des ancêtres du Christ sont exceptionnels si on les compare avec ceux d’autres cycles européens du même genre, y compris ceux de Monreale et des vitraux de Canterbury. Ces peintures ont leur pendant dans certaines miniatures et icônes réalisées en Méditerranée orientale à la fin XIIe siècle ou au début du XIIIe. La disposition de ces portraits sur les arcs de Sigena rappelle la tendance de l’art comnène tardif à recouvrir d’icônes – authentiques ou feintes – les églises appartenant à la zone d’influence de l’empire byzantin. On peut penser que le maître de Sigena ait pu être en contact avec des foyers artistiques des royaumes latins de Jérusalem, Acre et Chypre.
Geneviève BRESC-BAUTIER
La dévotion au Saint-Sépulcre de Jérusalem en Occident : imitations, invocation, donations
RÉSUMÉ
La dévotion au Saint‑Sépulcre de Jérusalem s’est exprimée de multiples façons au cours des siècles. Les pèlerins de Terre Sainte ont parfois, soit avant leur départ, soit à leur retour (et exceptionnellement quand ils n’ont pu rejoindre Jérusalem), fondé des églises dédiées au Saint‑Sépulcre. Certaines ont été offertes à des institutions de Terre Sainte, tel le patriarcat, bien avant les Croisades. Puis au XIIe siècle, la création du chapitre canonial du Saint-Sépulcre a drainé de nombreux biens en Orient d’abord, puis en Occident. Les imitations du Saint-Sépulcre ont été nombreuses, soit qu’il s’agisse de complexes entiers, comme Santo Stefano de Bologne, d’églises à plan centré (Parthenay, Neuvy‑Saint‑Sépulcre, Cambridge, Northampton, la Vera Cruz de Ségovie, Brindisi, Torres del Rio). Ces édifices ont pu contenir des édicules à l’image du tombeau de Jérusalem, dont on trouve aussi des imitations dans des églises de plan basilical. La volonté de retrouver la forme et les dimensions du lieu saint est l’expression d’une dévotion à la relique matérielle de Jérusalem. Par la copie, la sacralité est transplantée, soutenue par des reliques dominicales. Elle se perpétue et permet au fidèle de revivre en mémoire les sentiments du pélerinage et de les diffuser parmi ceux qui ne les ont pas encore vécus.
Jean-Pierre SODINI
Saint Syméon, lieu de pèlerinage
RÉSUMÉ
Saint Syméon le protostylite (av. 390-459) avait eu une telle réputation qu’à sa mort sa dépouille fut emmenée à Antioche. La seule relique conservée sur place fut sa colonne, objet d’un pèlerinage important. Autour des années 470, divers bâtiments destinés aux pèlerins furent édifiés dans le village de Télanissos (Deir Sem‘an) et sur la colline où il avait vécu (Qal‘at Sem‘an). Sur la colline, on érigea entre 474 et 490 un grand martyrium cruciforme qui servait d’écrin à la colonne, et, en vis-à-vis vers l’ouest, un baptistère. Autour de ces deux pôles furent implantés différents bâtiments. Une via sacra, bordée de boutiques, reliait le lieu de pèlerinage au village d’accueil. Le pèlerin montait du village, passant sous un arc triomphal, arrivait à une triple porte monumentale aménagée dans la clôture. Il accédait ainsi à une vaste cour, puis franchissait les passages aménagés à travers une grande hôtellerie. Il se retrouvait sur une grande esplanade liturgique limitée à l’Ouest par le baptistère et son église et à l’Est par le martyrium cruciforme. Les querelles religieuses (massacre des moines à Sermin, 517) et la conquête islamique entraînèrent le déclin du site de pèlerinage. Il reprit vie d’abord sous le patriarche Christophoros (966) puis lors de la reconquête byzantine (978/979) où il est complètement fortifié. Soumis à des attaques arabes en 985 et 1017, il ne semble jouer aucun rôle militaire lors de l’avancée des Croisés (1098) vers Jérusalem. Les moines occupent encore le site vers le milieu du XIIe siècle.
René ELTER et Ahmad ABD el-RHADAN
Assistés de A. Hassoune, Y. Matar, M. Ali, Abd el-Aziz Midan, Mahmud abu Muhammar, F. Adam, C. et R. Jude, A. Lefebvre, J.-M. Mechling, M. Mondy, S. Poilprez.
Le monastère de Saint-Hilarion : évolution et développement architectural d’un sanctuaire de pèlerinage dans le sud de Gaza (Palestine)
RÉSUMÉ
Les fouilles menées menée par le service des Antiquités de Gaza dès 1997, ont révélé un monastère d’époque byzantine, dédié à saint Hilarion, du IVe siècle au VIIIe siècle après J.-C. Le site des infrastructures du monastère (églises, cloître, crypte…) et un établissement de bain de vapeur.
Vers 310, Hilarion, converti au christianisme en Egypte, s’installe en sur le territoire de l’actuelle Nuseirat. Un demi-siècle plus tard, une communauté s’organise dans un établissement primitif cénobitique. En 362, sous le règne de Julien dit « l’Apostat », le succès puis les persécutions forcent l’ermite à abandonner ses fidèles pour l’égypte. La même année le monastère est détruit. Hilarion meurt en Chypre en 371 après avoir séjourné en Libye, Sicile et Grèce. D’après la Vie d’Hilarion écrite par saint Jérôme les restes du saint ont été transférés secrètement dans le monastère l’année qui suit sa mort. Reconstruit, le monastère se développe entre la fin du IVes et le VIIes. Plusieurs églises sont édifiées et transformées.
Esther GRABINER
L’iconographie du faux marbre, le cas de l’église franque à Abou Gosh
RÉSUMÉ
L’église franque d’Emmaüs-Abou Gosh comporte dans son ensemble exceptionnel d’architecture et de peintures murales une composante négligée jusqu’à ce jour. Il s’agit des décors peints non figuratifs qui ornent les grands arcs, les arcs doubleaux, les ébrasements de fenêtres, les piliers et les pilastres. L’article propose une lecture iconographique de l’une de ces composants, le faux marbre, dont la présence est particulièrement importante. À partir de l’idée que le choix de ces peintures en trompe l’oeil est lié au symbolisme accordé au marbre, nous montrons au travers d’exemples architecturaux et picturaux, d’images littéraires et de récits de pèlerins que le faux marbre, tout comme le marbre, devient un marquage visuel du sacré, attaché aux lieux saints en Terre sainte et au Temple en particulier. La localité d’Abou Gosh, nommée à l’époque Qaryet-el-Inab fut désignée par les Francs comme le lieu du repas d’Emmaüs, en alléguant textes, souvenirs iconographiques, intérêts stratégique et idéologique. Nous proposons d’interpréter le faux marbre destiné à embellir et animer les confins de l’architecture et des peintures dans cette église, comme le désir d’y affirmer une authenticité biblique.
Valentino PACE
La Bible « byzantine » de San Daniele del Friuli : le chef d’œuvre d’un scriptorium des Croisés
RÉSUMÉ
La Bible conservée à la Biblioteca Guarneriana di San Daniele del Friuli est un codex de grand luxe et de grand format. Son ornemantation est extraordinairement riche : chaque texte est précédé d’une grande initiale, figurée ou historiée, alors qu’une myriade de petites initiales décorées, parmi lesquelles un bon nombre présentent des figures humaines ou animales, constelle ses 254 folii. En ce qui concerne les racines figuratives de la Bible, on remarque l’union des caractères “byzantins” avec d’autres provenant de l’Europe continentale et insulaire, avec un résultat absolument unique quant à leur homogénéité et leur qualité. La volonté du commanditaire a dû être décisive pour créer un livre-objet aussi luxueux et pourtant l’iconographie ne nous fournit aucune information à son sujet. On a seulement pu conjecturer qu’une opération de ce genre avait dû accompagner un grand événement : par exemple la consécration de l’Église du Saint-Sépulcre (1149) ou le couronnement du roi Baudoin (1152) auraient pu être des motifs adéquats. Ce qui est sûr est que la Bible reflète pleinement le climat “franc” de la Terre sainte.
Simone PIAZZA
Art byzantin en Sicile orientale entre le XIIe et le XIIIe siècle : témoignages dans le territoire de Lentini
RÉSUMÉ
Les mosaïques de la Chapelle Palatine et de Santa Maria dell’Ammiraglio à Palerme, comme celles de la cathédrale de Monreale et de Cefalù, présentent un magnifique aperçu de l’apport de la culture byzantine à la production artistique de la Sicile au temps de la domination normande. Sur le versant oriental de l’île, se trouvent des témoignages moins célèbres et monumentaux mais tout aussi emblématiques de cette assimilation de modèles et de savoir-faire provenant de Byzance. Le territoire de Lentini, entre Catane et Syracuse, cache, dans les grottes qui entourent la cité et parmi le trésor de la cathédrale, des oeuvres d’art, parfois bien conservées, parfois fragmentaires, qui trahissent des liens évidents avec l’art de l’Empire romain d’Orient. S’agit-il d’oeuvres d’artistes grecs ? Sont-elles le reflet d’une influence du style de l’Orient chrétien introduit en Sicile grâce aux grands chantiers de mosaïques entrepris par les rois normands ? Constituent-elles plutôt le fruit d’un art plus local, issu d’une culture grecque acquise au moment de l’annexion de l’île par l’empire byzantin aux VIe-IXe siècles et, durant une brève parenthèse, au XIe siècle ? À travers la présentation de quelques-unes des oeuvres d’art conservées à Lentini, que l’on peut dater des XIe et XIIe siècles, l’auteur cherche à répondre à ces questions.
Sulamith BRODBECK
Vers une remise en question de la « byzantinisation » excessive du décor de Monreale (Sicile, fin du XIIe siècle) à travers l’analyse du programme hagiographique
RÉSUMÉ
Les mosaïques de la cathédrale de Monreale ont été étudiées par de grands byzantinistes, tels Otto Demus et Ernst Kitzinger. Toutefois, le programme hagiographique demeure un aspect négligé dans les études du XXe siècle et de ce début du XXIe siècle. Les cent-soixante-quatorze représentations de saints, étudiées isolément puis dans leur ensemble, fournissent quantité d’informations. Dans un premier temps, l’iconographie et le choix des effigies révèlent la richesse et la variété des emprunts de ce décor. Puis, la place des images dans l’espace et leurs mises en correspondance nous renseignent sur les orientations décisives du souverain-commanditaire Guillaume II. Si Byzance demeure pour la royauté normande de Sicile une fascination omniprésente, la position du nouveau souverain face à l’Orient évolue et l’attachement à la tradition grecque, propre au règne de Roger II, n’est plus considéré de la même manière. La politique extérieure du roi se situe dorénavant au coeur des affaires « européennes » et privilégie de nouvelles alliances, illustrées par les composantes anglo-normande et germanique du programme. C’est ainsi que le décor hagiographique vient fortement nuancer la tendance à la « byzantinisation » excessive du décor de Monreale qui ne peut plus être rattaché exclusivement à une tradition orientale.
Daniel CODINA
Les miniatures préliminaires du manuscrit Perpignan, BM 1
RÉSUMÉ
La description et l’analyse des miniatures « hors texte » du manuscrit Perpignan BM 1 indiquent des travaux de réforme et d’agrandissement de l’église de Saint-Michel de Cuxa par l’abbé Oliba : le baldaquin au-dessus de l’autel majeur et les deux chapelles superposées de la crypte et de la Trinité.
Immaculada LORES i OTZET
La sculpture de Saint-Michel de Cuxa à l’époque de l’abbé Oliba
RÉSUMÉ
Les oeuvres promues par l’abbé Oliba à Saint-Michel de Cuxa (1008-1046) sont surtout connues comme relevant de l’architecture. Néanmoins, elles ont servi aussi de support de décoration. C’est cette dimension décorative de l’art de l’époque d’Oliba, en grande partie disparue, que nous voulons faire revivre dans cette étude à travers l’analyse de quelques fragments de sculpture que l’on conserve toujours à l’abbaye. La comparaison avec d’autres fragments de la première moitié du XIe siècle, en particulier de Ripoll ou de Vic, permet de les rattacher aux réalisations de l’abbé au monastère du Conflent, concrètement au baldaquin et à la chapelle de la Trinité.
Aymat CATAFAU
Autour d’un document inédit de l’an mil sur Cuxa : échanges de biens et redéploiements territoriaux en Conflent
RÉSUMÉ
La découverte d’un document inédit de l’an 1000 concernant le patrimoine de l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa permet d’ajouter quelques renseignements supplémentaires à l’histoire du monastère et de ses possessions. Par cet acte, l’abbé Guifred et la communauté donnent l’alleu qu’ils possèdent à Corneilla, en Conflent, et reçoivent du comte de Cerdagne, lui aussi nommé Guifred, les lieux d’Erola, Canaveilles et Aquas. Cet échange témoigne du moment où le comte semble concentrer ses possessions dans la vallée du Cadi (Corneilla-de-Conflent) où il fonde l’abbaye de Saint-Martin du Canigou. Cuxa, pour sa part, accroît son oeuvre de concentration foncière dans le haut Conflent, autour du site du premier monastère, Eixalada. Ce document permet de poser la question des rédéploiements territoriaux en Conflent, entre l’abbaye et le comte.
Richard DONAT
Étude anthropologique des ossements du reliquaire dit de saint Pierre Orseolo à Prades (Pyrénées-Orientales)
RÉSUMÉ
Le Trésor de l’église paroissiale Saint-Pierre de Prades (Pyrénées-Orientales) conserve plusieurs reliquaires dont un attribué à Saint Pierre Orseolo (928-987), doge de Venise de 976 à 978. Ce reliquaire, constitué de deux châsses en bois sculpté, contenait un ensemble de quarante-huit ossements humains qui ont fait l’objet d’une étude anthropologique mettant en évidence la présence d’au moins trois sujets adultes. Cette étude, s’attachant à apporter des informations biologiques (âge, sexe, anomalie d’ordre pathologique ou autres), pose la question de l’identité des individus auxquels appartenaient ces restes. Elle permet notamment d’exclure l’appartenance de certains d’entre eux à Pierre Orseolo, à partir de la confrontation entre données anthropologiques et historiques.
Karim SAÏDI
Seings manuels des scribes et notaires du XIe au XIIIe siècle dans le Roussillon et l’Hérault
RÉSUMÉ
Le signum manus est un signe graphique particulier dans l’écriture. Entreprendre une réflexion sur les origines de ce signe, ses formes et le sens de son inscription, c’est d’une part s’interroger sur l’écriture en tant qu’acte social, sur les hommes instruits à cette pratique, acteurs et créateurs de l’écriture tout à la fois, ainsi qu’à la nature même des témoignages graphiques du passé. D’autre part, le signum manus est une préfiguration voire un préambule à notre signature contemporaine. Cette étude aborde les questions de la genèse du signum en relation avec le métier du scribe, puis celui de notaire. Elle compare les formes et les évolutions différentes que le signa ont pu prendre en Roussillon et en Languedoc.
Gabriel POISSON
Les vicomtes de Castelnou et la réforme grégorienne dans le diocèse d’Elne
RÉSUMÉ
Le lignage vicomtal de Castelnou est créé par les comtes de Besalú peu après l’an 1000. Dès l’origine les vicomtes tentent de se rapprocher de certains établissements ecclésiastiques. Exclus de l’abbaye d’Arles par les comtes de Besalú, ils sont réduits à une position de second dans l’Église d’Elne par les comtes de Roussillon. Cette position secondaire explique en partie le support actif des vicomtes à la réforme Grégorienne. La personnalité de Guillem II, à la fois régent de la vicomté, archidiacre d’Elne et abbé de Saint-Paul de Narbonne, offre peut-être un autre éclairage sur la fondation de collégiales affiliées à Saint-Ruf. Les liens entre Saint-Ruf et Saint-Paul sont anciens, ce qui explique la fondation précoce des prieurés vicomtaux de Castelnou, dans les années 1080, et de Saint-Féliu-d’Amont, au début du XIIe siècle. La séparation des pouvoirs laïcs d’avec l’Église qu’entraîne la réforme permet aux Castelnou de s’emparer enfin du siège épiscopal d’Elne.
Gérard DEDEYAN
Conclusions
Xavier BARRAL i ALTET
Marcel Durliat, historien de l’art médiéval